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Affichage des articles du mai, 2018

Zeno Bianu Bleu Klein

BLEU KLEIN "Un jour tu es entré dans le bleu comme on pénètre dans la vraie vie tu es entré dans le bleu tu as fait le pari de l’immensité et ce fut comme un sésame un passage sur l’autre versant du miroir ce ciel qui emplissait tout la respiration des galaxies la cadence des univers le souffle magnétique de la Grande Ourse un jour tu es entré dans le bleu pour n’en plus jamais revenir ce bleu ardent électrique invulnérable tu t’es plongé dans un bain d’indigo au centre de l’horizon pour voir tout en bleu ligne de ciel ligne de coeur pour te faire la belle la belle bleue avec tes pinceaux vivants l’intensité l’intensité l’intensité pour devenir bleu d’émotion découvrir ce lâcher de ballons bleus au fond du cœur ce saut dans la poésie où la création recommence à chaque instant où l’éternité a la grâce des funambules une énergie capable de forcer la pesanteur une vie vouée au judo du bleu une fête de l’infini pour les marcheurs d’aurores" ZÉNO

Achille Chavee

SPECIAL - Achille Chacée La brigade internationale à Jean Bastien. Mon cœur veine ou déveine aura des ailes dans les montagnes et dans la plaine des hommes meurent pour la liberté L'oiseau parle une langue inconnue il n'a jamais pensé à la chance mais la chance est pour lui dans les chansons mêmes de la peur la vie n'est qu'un signe pour ceux qui meurent dans la nuit trahis par la clarté lunaire par les regards obstinés du soleil Il y parfois un homme qui vient d'Albanie il parle de la liberté comme d'un sein de marbre il y a des hommes qui viennent des villages perdus ils parlent de la liberté comme d'une source pure il y a d'autres hommes qui viennent des montagnes ils en parlent par signes et par silences durs il y a des hommes aussi qui viennent de n'importe où aux comparaisons obscures et justes il y a les hommes simples les hommes qui boivent et les hommes qui ne boivent jamais qui confondent la liberté la mort l'a

Main verte ... Terrarium

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Micro univers

Henri Michaux - Avenir

"Vous qui connaîtrez les ultra-déterminants de la pensée et du caractère de l'homme, et sa surhygiène qui connaîtrez le système nerveux des grandes nébuleuses qui serez entrés en communication avec des êtres plus spirituels que l'homme, s'ils existent qui vivrez, qui voyagerez dans les espaces interplanétaires, Jamais, Jamais, non JAMAIS, vous aurez beau faire, jamais vous ne saurez quelle misérable banlieue c'était que le Terre. Comme nous étions misérables et affamés de plus Grand. Nous sentions la prison partout, je vous le jure. Ne croyez pas nos écrits (les professionnels, vous savez...) On se mystifiait comme on pouvait, ce n'était pas drôle en 1937, quoiqu'il ne s'y passât rien, rien que la misère et la guerre. On se sentait là, cloué dans ce siècle, Et qui irait jusqu'au bout? Pas beaucoup. Pas moi... On sentait la délivrance poindre, au loin, au loin, pour vous. On pleurait en songeant à vous, Nous étions quelqu'uns. Dans l

Boileau - L'art poétique

L'Art poétique de Boileau http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Art_po%C3%A9tique "Fuyez de ces auteurs l’abondance stérile, Et ne vous chargez point d’un détail inutile. Tout ce qu’on dit de trop est fade et rebutant ; L’esprit rassasié le rejette à l’instant. Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire (...) Heureux qui, dans ses vers, sait d’une voix légère Passer du grave au doux, du plaisant, au sévère ! (...) Prenez mieux votre ton, soyez Simple avec art, Sublime sans orgueil, agréable sans fard. (...) Fuyez des mauvais sons le concours odieux : Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée. (...) Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. (...) Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. (...) L’ignorance touj

Gérard Le Gouic - De quoi sera faite la nuit

Gérard Le Gouic - De quoi sera faite la nuit ? De quoi sera faite la nuit ? Je m’en vais solitaire au bras de mon parapluie. Un chat noir et malin sort d’un pommier en fleur et coupe mon chemin. De quoi sera faite la nuit ? La femme qui m’aimait sur les épaules m’a lancé sa haine et son balai et comme une casserolée d’eau sur la nuque le sang déjà fané de sa blessure. De quoi sera faite la nuit si elle n’est plus la forêt où l’on pouvait s’étendre dans des cabanes de ténèbres ?

ALICIA SUSKIN OSTRIKER - Les Vieillards

ALICIA SUSKIN OSTRIKER - Les Vieillards La bonté des vieillards me semble Incommensurable, indicible. Mon grand-père, le plus lointain de tous, joue aux échecs Face à de studieux socialistes yiddish au Paradis Auquel il ne croit pas ; il attend Que je me précipite sur ses genoux Pour écouter « L’histoire de celui qui allait De lieu en lieu ». Il a traversé l’Europe À pied jusqu’à Londres, s’est embarqué Pour la goldeneh medina. Mon autre grand-père, Dans son fauteuil marron près du piano, Interdit de parole par sa femme, Sourire timide et yeux brillants comme les fenêtres D’un village de Lituanie le vendredi soir, Attend lui aussi. Il y a Franck, un Irlandais Tailleur d’arbustes dans les jardins de la Cité, Qui m’appelle « Margaret O’Brien » à cause de mes nattes Et me prête ses cisailles. Et, enfin, les amis de mon père, Comme des moutons au bercail dans les squares désolés de l’East Side, Qui me bichonnent, m’apprennent patiemment à jouer aux dames À longueur d’a

SYLVIA PLATH - Mort-nés

SYLVIA PLATH ^- Mort-nés (1960) Les poèmes ne vivent pas ; c’est leur triste destin, Bien qu’ils aient des orteils et des doigts Et de petits fronts bombés. Leur mère les a couverts de p’tits soins Ils ne savent toutefois pas marcher. Ô je ne saurais dire ce qui leur est arrivé ! Leur silhouette et leurs traits ; tout est parfait. Ils s’assoient gentiment dans la saumure ! Et m’accueillent le sourire aux lèvres Hélas ! Leurs poumons ne se remplissent pas d’air Et leur cœur ne se met pas à battre. Ils ne sont pas des cochons, pas même des poissons, Quoiqu’ils leur ressemblent— اa aurait été mieux s’ils étaient en vie. Mais ils sont morts et leur mère affolée l’est presque aussi Ils la dévisagent, mais ne parlent jamais d’elle.

ALEJANDRA PIZARNIK - Arts invisibles

ALEJANDRA PIZARNIK - Arts invisibles « Toi qui chantes toutes mes morts, Toi qui chantes ce que tu ne livres pas au sommeil du temps, décris-moi la maison vide, parle-moi de ces morts habillés de cercueils qui habitent mon innocence. Avec toutes mes morts je me remets à ma mort, avec des poignées d’enfance, avec des désirs ivres qui n’ont pas marché sous le soleil, et il n’y a pas une parole matinale qui donne raison à la mort, et pas un dieu où mourir sans grimaces. »

Abstraction ~ Gabrielle Burel

Abstraction Espérer avec impatience  Se carapater Avec ferveur Être kamikaze À Madagascar Devenir corvéable Dans l'éclosion D'une pastourelle Sans faille Où l'ourlet de tes lèvres Sera la métaphore Du rien Moisir dans les haubans Avec les travailleurs Dans l'idée fugace Et laiteuse De lapider l'arabesque Ineffable pour exorciser Les ardeurs Et embesogner le cocotier D'un tour de manivelle Magouiller avec le marabout Naître décoller ululer Hâve cambriole À tayauter d'un fécondant Diagonal Coudre envisager Distraitement l'immobilisation Et par un insidieux marbrier Essanger le tombereau Chancreux de byssus Faisanderie De la fleur de thym Sans renaissance Gabrielle Burel 16518

PHILIPPE ROBERTS-JONES - PORTRAIT DU LIEU

PHILIPPE ROBERTS-JONES PORTRAIT DU LIEU Jamais plus c'est toujours un chemin qui s'éprouve le rejet d'un oiseau recherche un autre envol, dans ce besoin d'ailleurs qui se heurte et se brise aux volets, aux façades, dédale d'un discours où l'argument se fuit au croisement des phrases tout est détour, la ville et son enfermement, poursuivi de rumeurs, travaillé par les chiens par le chuintement gras du passage d'autrui ; et le jour ne s'éteint que pour d'autres réveils la ville et c'est soi-même, en séquence, en délire, la rongeuse ou fantasque, la dérobée, la folle qui se nourrit d'excès et de quelques reliques, de vitrine en sous-œuvre, on fait ou fait valoir La recherche de l'autre est la floraison d'être toute phrase est gésine une vague à venir et sans terme certain à la croisée des sens elle est graine porteuse et selon la rencontre elle sera ce fruit et sa propre semence D'encre et d'horizon

Birago Diop - Sagesse

Birago Diop - Sagesse Sans souvenirs, sans désirs et sans haine Je  retournerai au pays, Dans les grandes nuits, dans leur chaude haleine Enterrer tous mes tourments vieillis. Sans souvenirs, sans désirs et sans haine. Je rassemblerai les lambeaux qui restent De ce que j’appelais jadis mon cœur Mon cœur qu’a meurtri chacun de vos gestes ; Et si tout n’est pas mort de sa douleur J’en rassemblerai les lambeaux qui restent.    Dans le murmure infini de l’aurore Au gré de ses quatre Vents, alentour Je jetterai tout ce qui me dévore, Puis, sans rêves, je dormirai – toujours – Dans le murmure infini de l’aurore.

Anna Akhmatova - Les poèmes

Les poèmes Ce sont des extraits d'insomnies, C'est le noir des bougies tordues, C'est au matin le premier son De blancs carillons par centaines... C'est la tiédeur d'un appui de fenêtre Sous la lune de Tchernigov, Ce sont des abeilles, c'est un mélilot, C'est la poussière, et l'ombre et la touffeur. Anna Akhmatova - Requiem : Poème sans héros et autres poèmes

Unica Zürn - L'esprit hors de la bouteille

Unica Zürn – L’esprit hors de la bouteille Traduction de Ruth Henry et Robert Valançay Sors de la bouteille ! Il vaincra celui qui hors de la bouteille Salue comme une plume. Ah ! Grand aigle de mer, fraîcheur, ô Toi jour ! L’esprit sorti de la bouteille t’interroge. Qu’il lise cela, terrifiant le noble, l’horreur t’a saisie. Rocher des branches, dis, cela bruit. Les champs — quand le feu bougea resta la terre. Fraîcheur de la rosée. La soif : plumage. Cendre de verre pêchait le poison de la terre. Qu’elle crépite, qu’elle parle par la bonne flaque du tonneau celle qui dévora la dépouille de la druidesse déclara l’esprit de la bouteille. Dis-le par la lumière de la plume. Ecoule-toi jour de frissons. Lis le visage de la femme. Sors donc de la bouteille, rosée Noble fraîcheur d’herbe montant de la rivière. Hélas ! Trois jours, trois Il bruit le plumage. Fini le sommeil. Le discours de la bouteille monte du

Bukowski - Le génie de la foule

Charles Bukowski – Le Génie de la foule l y a assez de traîtrise, de haine, de violence, D’absurdité dans l’être humain moyen Pour approvisionner à tout moment n’importe quelle armée Et les plus doués pour le meurtre sont ceux qui prêchent contre Et les plus doués pour la haine sont ceux qui prêchent l’amour Et les plus doués pour la guerre – finalement – sont ceux qui prêchent la paix Méfiez-vous De l’homme moyen De la femme moyenne Méfiez-vous de leur amour Leur amour est moyen, recherche la médiocrité Mais il y a du génie dans leur haine Il y a assez de génie dans leur haine pour vous tuer, pour tuer n’importe qui Ne voulant pas de la solitude Ne comprenant pas la solitude Ils essaient de détruire Tout Ce qui diffère D’eux Etant incapables De créer de l’art Ils ne comprennent pas l’art Ils ne voient dans leur échec En tant que créateurs Qu’un échec Du monde Etant incapables d’aimer pleinement Ils croient vo

Baudelaire - Hymne à la beauté

Charles BAUDELAIRE (1821-1867) Hymne à la beauté Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin, Verse confusément le bienfait et le crime, Et l'on peut pour cela te comparer au vin. Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore ; Tu répands des parfums comme un soir orageux ; Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore Qui font le héros lâche et l'enfant courageux. Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ? Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ; Tu sèmes au hasard la joie et les désastres, Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien. Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ; De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant, Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques, Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement. L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle, Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau ! L'amoureux pantelant incliné sur sa b

Pessoa - Initiation

FERNANDO PESSOA - INITIATION Tu ne dors pas sous les cyprès car il n’est de sommeil en ce monde… Le corps est l’ombre des vêtements qui dissimulent ton être profond. Vient cette nuit qu’est la mort, et l’ombre s’achève sans avoir été. Tu vas dans la nuit, simple silhouette, Égal à toi contre ton gré. Mais à l’Hôtellerie de l’Épouvante les Anges t’arrachent ton manteau. Tu poursuis sans manteau sur l’épaule avec le peu qui te protège. Lors les Archanges du Chemin te dépouillent et te laissent nu. Tu n’as plus ni vêtements ni rien : tu n’as que ton corps, qui est toi. Enfin, dans la profonde caverne, les Dieux te dépouillent plus avant. Cesse ton corps, âme externe, Mais en eux tu vois tes égaux. Le Sort n’a laissé parmi nous que l’ombre de tes vêtements. Tu n’es pas mort sous les cyprès. Néophyte, il n’est point de mort.

Main verte... Composition

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Rêve

Main verte.... Composition

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Plaisir dans une tasse

Georges Haldas- Vigile

G EORGES HALDAS "Je te porte avec moi le long des murs osseux Je te porte et je sens tous les morts remonter du fond de leur lit creux Je guette l'arc-en-ciel Je cherche dans les ruines et la graine et le miel Je suis l'enfant perdu qu'un seul regard éveille Celui qui lève l'ancre quand la ville appareille O les soleils du soir O la part des abeilles Je suis quand tu t'endors le grain obscur qui veille. " Georges Haldas, Vigile, dans: Sans feu ni lieu (Editions de l'Aire, 1968)

Dominique Gabriel Nourry

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30/01/1949 + 7 mai 2018 Nous partagions cette passion pour Xavier Grall "LE TESTAMENT MYSTIQUE" - extrait à paraître prochainement Editions du Pont de l'Europe Dominique Gabriel Nourry (1949-2018) Il vécut entre Paris, Saint-Malo et Rennes. Il fut enseignant en Lettres et en Théâtre. Publications : Fatrasies d’Avril (Poèmes en Gros et Demi-gros), l’Embellie (La Porte), 2010 ; il a collaboré à différentes revues : Le Point d’Etre, Vivre en Poésie, le Nouveau Marronnier, La Grappe, la Nouvelle Proue, Jointure, le Horla, les Cahiers de Poétique, le Pêcheur d’ombre. À paraître en juin 2018 : Le Testament Mystique (Éditions du Pont de l'Europe). Il effectua de nombreuses performances poétiques notamment sur Facebook ; a régulièrement alimenté son blog : D’Ici Dance. Prix obtenus : prix de la Grappe (1986), de la Société des Gens de Lettres – Jacques Normand (1988), et de Poésie de l’Île de France (1989). Aussi comédien formé par Guy Parig

Émile Verhaeren

Chaque heure, où je songe à ta bonté Si simplement profonde, Je me confonds en prières vers toi. Je suis venu si tard Vers la douceur de ton regard, Et de si loin vers tes deux mains tendues, Tranquillement, à travers les étendues ! J’avais en moi tant de rouille tenace Qui me rongeait, à dents rapaces, La confiance. J’étais si lourd, j’étais si las, J’étais si vieux de méfiance, J’étais si lourd, j’étais si las Du vain chemin de tous mes pas. Je méritais si peu la merveilleuse joie De voir tes pieds illuminer ma voie , Que j’en reste tremblant encore et presque en pleurs Et humble, à tout jamais, en face du bonheur. EMILE VERHAEREN

Jean Lahor - L'illusion

Ouragan nocturne "Les vagues se cabraient comme des étalons Et dans l'air secouaient leur crinière sauvage, Et mes yeux, fatigués du calme des vallons, Voyaient enfin la mer dans une nuit d'orage Le vent criait, le vent roulait ses hurlements, L'Océan bondissait le long de la falaise, Et mon âme, devant ces épouvantements, Et ces larges flots noirs, respirait plus à l'aise. La lune semblait folle, et courait dans les cieux, Illuminant la nuit dune clarté brumeuse ; Et ce n'était au loin qu'aboiements furieux, Rugissements, clameurs de la mer écumeuse. - Ô Nature éternelle, as-tu donc des douleurs ? Ton âme a-t-elle aussi ses heures d'agonie ? Et ces grands ouragans ne sont-ils pas des pleurs, Et ces vents fous, tes cris de détresse infinie ? Souffres-tu donc aussi, Mère qui nous a faits ? Et nous, sombres souvent comme tes nuits d'orage, Inconstants, tourmentés, et comme toi mauvais, Nous sommes bien en tout créés à ton image.&qu

Prévert - Un beau matin

:) Un beau matin "Il n’avait peur de personne Il n’avait peur de rien Mais un matin un beau matin Il croit voir quelque chose Mais il dit Ce n’est rien Et il avait raison Avec sa raison sans nul doute Ce n’était rien Mais le matin ce même matin Il croit entendre quelqu’un Et il ouvrit la porte Et il la referma en disant Personne Et il avait raison Avec sa raison sans nul doute Il n’y avait personne Mais soudain il eut peur Et il comprit qu’il était seul Mais qu’il n’était pas tout seul Et c’est alors qu’il vit Rien en personne devant  lui." Jacques PRÉVERT Recueil : "Histoires et d'autres histoires"

MAX-POL FOUCHET

MAX-POL FOUCHET (1913~1980) Il suffit d’un baiser Pour apprendre l’amour Et d’un cil abaissé Pour connaître la nuit Il suffit d’un mort Pour savoir en secret Les machines de l’oubli Les pièges du souvenir Et de sable mouillé Pour à jamais découvrir Les industries de la mer À effacer les pas __________ Pour que demeure le secret Nous tairons jusqu’au silence Nul oiseau n’est coupable Du tumulte de nos cœurs La nuit n’est responsable De nos jours au fil de mort Il n’est que grande innocence Et des colonnes en marche Mais les plaines soulignent Notre solitude de leur blé

JURIS KRONBERGS - LE LOUP BORGNE CHANGE

JURIS KRONBERGS - LE LOUP BORGNE CHANGE Traduit du letton par Katarzyna Skansberg Il sentit qu'il avait changé Il ne savait pas comment Il ne se rappelait pas comment c'était avant Quelqu'un avait fermé devant lui une porte Peut-être à cause du choc sa conception du changement avait changé et avec elle toute chose : Les flocons de neige ne tombaient pas du haut ils tombaient du bas au printemps les oiseaux portaient les arbres jusqu'aux feuilles épanouies (rien n'était comme avant) et le nuage pleurait sa séparation avec les gouttes et le ciel pleurait la disparation du nuage le loup borgne pleurait de ne savoir rien d'autre que ce qu'il avait manqué De percevoir le monde de ses yeux ignorants dont l'un était aveugle

XUEREB - SURSEOIR À L’ADIEU

XUEREB - SURSEOIR À L’ADIEU Lorsque le vaisseau brûle que sauver du naufrage ? le sourire friable d’un être qui s’éloigne? le bief assoiffé d’une vie que des yeux affaiblis ne peuvent situer au trajet brouillé d’un destin? De quel choix aurons-nous loisir sauf celui du renoncement ? La tiédeur de nos mains sur l’émotion des doigts souffle à souffle ajustés la fusion de deux corps éperdus dans l’envol en faille d’infini par éclair entrevu Le désir obstiné du désir nous tenaille dans cette imprévision d’un chatoiement des jours nous berne l’illusion contre toute évidence de surseoir à l’adieu

Réflexion... Virginia Woolf

« J'ai besoin de solitude, j'ai besoin d'espace ; j'ai besoin d'air. J'ai si peu d'énergie. J'ai besoin d'être entourée de champs nus, de sentir mes jambes arpenter les routes ; besoin de sommeil et d'une vie tout animale. Mon cerveau est trop actif. » Virginia Woolf - Journal intégral (1915-1941)

Joyce Mansour - Déchirures

Déchirures, 1955/ Joyce Mansour La nuit je suis le vagabond dans le pays du cerveau Étiré sur la lune en béton Mon âme respire domptée par le vent Et par la grande musique des demi-fous Qui mâchent des pailles en métal lunaire Et qui volent et qui volent et qui tombent sur ma tête A corps perdu Je danse la danse de la vacuité Je danse sur la neige blanche de mégalomanie Tandis que toi derrière ta fenêtre sucrée de rage Tu souilles ton lit de rêves en m'attendant

AMABLE TASTU - LA MENDIANTE

AMABLE TASTU - LA MENDIANTE Jetez vos regards sur moi, et ayez compassion de moi, car je suis seule et pauvre. Ps. 22. Le jour fuit, la nuit tombe, et ses ombres glacées Ajoutent leur tristesse à mes tristes pensées ! Pour moi, tout est besoin, souffrance, isolement, Mon feu s’éteint, mon corps languit sans aliment, J’ai froid, j’ai faim. Pourtant du fond de mon asile J’entends le bruit joyeux des plaisirs de la ville. Dans ces jours de folie et de brillants loisirs, Qui pourrait refuser à mes humbles désirs Le pain qui soutiendrait ma débile existence ! Sortons, et des passants réclamons l’assistance : Que du moins leur secours m’empêche d’expirer, Si je puis me résoudre, hélas ! à l’implorer !...   Mon cœur bat, mes genoux fléchissent, et ma bouche Craint de ne pas trouver un accent qui les touche !... Madame !... ils passent tous... Monsieur !... Sur leur chemin Vainement le malheur tend sa tremblante main : À la piti

JULES LAFORGUE - LA COMPLAINTE DES MONTRES

JULES LAFORGUE  - LA COMPLAINTE DES MONTRES 1   Je suis, avec mon tic-tac grêle, Vade-mecum rond et têtu, Indispensable sentinelle, Le sacré cœur d’or revêtu.               Voici le soir,             Grince, musique             Hypertrophique             Des remontoirs.   2   Partout, je veille dans vos poches, Je trône en vos appartements, Et fais valser éperdument Sur les cités folles les cloches !               Et puis le soir,             C’est la musique             Hypertrophique             Des remontoirs.   3   Chacun aux foules que je mène, Sent battre mon cœur sur son sein (!) Chaque maison m’a par dizaines, Et je remplis des magasins.               Partout, le soir,             C’est la musique             Hypertrophique             Des remontoirs.   4   Maisons, horloges, clochers, foules, Milliards d’échos à mon appel Scandé d’un

MARIE KRYSINSKA - SYMPHONIE EN GRIS

MARIE KRYSINSKA - SYMPHONIE EN GRIS À Rodolphe Salis. Plus d’ardentes lueurs sur le ciel alourdi, Qui semble tristement rêver. Les arbres, sans mouvement, Mettent dans le loin nue dentelle grise. — Sur le ciel qui semble tristement rêver, Plus d’ardentes lueurs. —   Dans l’air gris flottent les apaisements, Les résignations et les inquiétudes. Du sol consterné monte une rumeur étrange, surhumaine. Cabalistique langage entendu seulement Des âmes attentives. — Les apaisements, les résignations, et les inquiétudes Flottent dans l’air gris. —   Les silhouettes vagues ont le geste de la folie. Les maisons sont assises disgracieusement Comme de vieilles femmes — Les silhouettes vagues ont le geste de la folie. —   C’est l’heure cruelle et stupéfiante, Où la chauve-souris déploie ses ailes grises, Et s’en va rôdant comme un malfaiteur. — Les silhouettes vagues ont le geste de la folie. —   Près de l’étang

FRANCIS JAMMES - L’ÂNE DE SANCHO PANÇA

FRANCIS JAMMES - L’ÂNE DE SANCHO PANÇA   Je suis l’âne bâté du bon Sancho Pança. Jamais âne ne fut égayé plus que moi et par mon maître, et par son maître don Quichotte. On ne peut pas savoir jusqu’où peuvent aller deux voyageurs différemment écervelés dont l’un s’en va nu-pieds et l’autre avec des bottes. Aucun jour de ma vie je ne sus le matin où je m’endormirais le soir. Tantôt, le thym d’une sierra rieuse, éclairée de torrents, parfume mes sabots de petit paysan ; tantôt, dans l’écurie de quelque épaisse auberge où ronfle Maritorne auprès du muletier, désagréablement je me vois réveillé par de noirs enchanteurs qui agitent des cierges... Bref, j’ai grand peur, malgré mon bon sens de bourrique de laisser ma raison à ces deux excentriques. Aussi mon but est-il de les bientôt quitter, et de mener une existence équilibrée. Mon intention est, pour cela, de gagner une île que Merlin aux ânes a livrée. Cette île existe. Elle est décrite savamment dans un romancero d

Desnos - Pamphlet contre la mort

Robert Desnos - Pamphlet contre la mort In :  La Liberté ou l'Amour Le corps de Louise Lame fut placé dans un cercueil et le cercueil sur un corbillard. La voiture ridicule prit le chemin du cimetière Montparnasse. Fleuve traversé, maisons longées, arrêts des tramways devant le cortège, coups de chapeau des passants, différences de vitesses du convoi, ce qui fait que l’assistance se heurte ou s’essaime, conversation des croque-morts… 1er croque-mort. — Il y avait dans mon pays une grande maison. Celui et celle qui l’habitaient pouvaient à loisir faire cueillir des fleurs sur toute la campagne avoisinante tant la maison donnait un privilège certain à ses habitants. Mais eux, la vague et le socle des statues se soucient davantage l’une du sel qui s’amasse en cônes dans les marais artificiels, l’autre du pigeon voyageur qui passe dans le ciel avec une lettre d’amour sous l’aile. « Ma chère Mathilde, les grandes loutres du pays polaire et les loups chaudement fourrés vienn

Charles Bukowski - Nirvana

Charles Bukowski - Nirvana Traduction : David Ruzicka Pas trop de chance, complètement sans but, c’était un jeune homme dans un bus traversant la Caroline du Nord en chemin vers quelque part. Et il a commencé à neiger. Et le bus s’est arrêté à un petit café nulle part dans les collines et les passagers sont entrés. Il s’est assis à un coin avec les autres, il a commandé et la nourriture est arrivée. Ce repas était particulièrement bon. Et le café. La serveuse n’était pas comme les femmes qu’il avait connues. Elle était pure, quelque chose d’authentique émanait d’elle. Le cuisinier à la friteuse disait des imbécillités. Le gars à la plonge, derrière, rigolait, un rire bon clair agréable. Le jeune homme observait la neige tomber derrière les vitres. Il avait envie de rester dans ce café pour toujours. Le curieux sentiment le parcourut que tout était magnifique ici. Que cela restera toujours magnifique ici. Ensuite le conducteur a dit aux passager

Federico Garcia Lorca Romance de la garde civile espagnole

Federico Garcia Lorca Romance de la garde civile espagnole - - Romancero Gitan, trad. André Belamich -- Ils montent de noirs chevaux dont les ferrures sont noires. Des taches d'encre et de cire luisent le long de leurs capes. S'ils ne pleurent, c'est qu'ils ont du plomb au lieu de cervelle. Avec leur âme en cuir verni par la chaussée ils s'en viennent. Nocturnes et contrefaits là où ils vont ils ordonnent des silences de gomme obscure et des pleurs de sable fin. Ils passent, s'ils veulent passer, cachant au creux de leur tête une vague astronomie de pistolets irréels. Ô la ville de gitans ! Au coin des rues, des bannières. La lune et la calebasse et la cerise en conserve. Ô la ville des gitans, qui jamais peut t'oublier ? Ville de douleur musquée avec des tours de cannelle. Comme descendait la nuit, la nuit la nuit tout entière, les gitans à leurs enclumes forgeaient flèches et soleils.

Vladimir Maïakovski - On gueule au poète

Vladimir Maïakovski - On gueule au poète On voudrait t’y voir, toi, devant un tour ! C’est quoi, les vers ? Du verbiage ! Mais question travail, des clous !” Peut-être bien en tout cas le travail c’est ce qu’il y a de plus proche de notre activité Moi aussi je suis une fabrique. Sans cheminée peut être mais sans cheminée c’est plus dur. Je sais, vous n’aimez pas les phrases creuses. Débiter du chêne, ça, c’est du travail. Mais nous ne sommes-nous pas aussi des menuisiers ? Nous façonnons le chêne de la tête humaine. Bien sûr, pêcher est chose respectable. Jeter ses filets et dans ses filets, attraper un esturgeon ! D’autant plus On voudrait t’y voir, toi, devant un tour ! C’est quoi, les vers ? Du verbiage ! Mais question travail, des clous !” Peut-être bien en tout cas le travail c’est ce qu’il y a de plus proche de notre activité Moi aussi je suis une fabrique. Sans cheminée peut être mais sans cheminée c’est plus dur. Je sais, vous n’aimez pas l

André Breton - Vigilance

VIGILANCE, PAR ANDRÉ BRETON. À Paris la tour Saint-Jacques chancelante Pareille à un tournesol Du front vient quelquefois heurter la Seine et son ombre glisse imperceptiblement parmi les remorqueurs À ce moment sur la pointe des pieds dans mon sommeil Je me dirige vers la chambre où je suis étendu Et j’y mets le feu Pour que rien ne subsiste de ce consentement qu’on m’a arraché Les meubles font alors place à des animaux de même taille qui me regardent fraternellement Lions dans les crinières desquels achèvent de se consumer les chaises Squales dont le ventre blanc s’incorpore le dernier frisson des draps À l’heure de l’amour et des paupières bleues Je me vois brûler à mon tour je vois cette cachette solennelle de riens Qui fut mon corps Fouillé par les becs patients des ibis du feu Lorsque tout est fini j’entre invisible dans l’arche Sans prendre garde aux passants de la vie qui font sonner très loin leurs pas traînants Je vois les arêtes du soleil À travers l’aubép