ALICIA SUSKIN OSTRIKER - Les Vieillards

ALICIA SUSKIN OSTRIKER - Les Vieillards

La bonté des vieillards me semble
Incommensurable, indicible.
Mon grand-père, le plus lointain de tous, joue aux échecs
Face à de studieux socialistes yiddish au Paradis
Auquel il ne croit pas ; il attend
Que je me précipite sur ses genoux
Pour écouter « L’histoire de celui qui allait
De lieu en lieu ». Il a traversé l’Europe
À pied jusqu’à Londres, s’est embarqué
Pour la goldeneh medina. Mon autre grand-père,
Dans son fauteuil marron près du piano,
Interdit de parole par sa femme,
Sourire timide et yeux brillants comme les fenêtres
D’un village de Lituanie le vendredi soir,
Attend lui aussi. Il y a Franck, un Irlandais
Tailleur d’arbustes dans les jardins de la Cité,
Qui m’appelle « Margaret O’Brien » à cause de mes nattes
Et me prête ses cisailles. Et, enfin, les amis de mon père,
Comme des moutons au bercail dans les squares désolés de l’East Side,
Qui me bichonnent, m’apprennent patiemment à jouer aux dames
À longueur d’automnes balayés par le vent.
Et puis ne sommes-nous pas en sécurité au Pays de la Liberté,
Cela ne vaut-il pas le paradis ?
Je vois alors Dieu en grand-père––
Tendresse infinie, distance infinie––
Non pas que je revendique quelque religion, mais
Les vieillards on doit pouvoir en parler comme cela.

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