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Affichage des articles du août, 2016

Demain ~ Gabrielle Burel

Demain Cette ligne droite Avec des magazines Des fruits des bonbons Pour aller te voir Te regarder partir Le dérisoire Des mots banals Comment vas-tu ? Le rire sans souffle Dans le secret des yeux Cette ligne droite Sous la pluie cinglante Ou un soleil de plomb Pour aller te regarder Te voir partir L'oreiller qu'on tapote La chaise qu'on rapproche Les gestes qui rassurent Autour du lit Sur le banc de touche Cette ligne droite Empruntée chaque samedi Pour aller te voir Te regarder Dans ton mouroir Le visage tourné Vers la porte Le liseré du drap au bout des doigts tu attends Cette ligne droite Si longue si nue Je suis vieux tu sais Pour aller te regarder Te voir partir Une rue sans fin Pour une mort si lente Reste je viens Attends encore Demain Cette ligne droite Chaque semaine Avec des fleurs fraîches Aller me voir flétrir Sur le marbre gris Gabrielle Burel 27/08/2016

Ingeborg BACHMANN 1926 1973

DÉPART De la terre monte une fumée. La petite cabane de pêcheurs, ne la perd pas de vue, car le soleil sombrera, avant que tu n'aies couvert dix lieues. Les eaux sombres aux mille regards, ouvrent les paupières de leur blanche écume, pour te regarder, longuement, trente jours durant. Même si le navire tangue dangereusement, et prend des allures incertaines, tiens-toi debout, calme, sur le pont. Attablés, ils mangent à présent le poisson fumé ; puis les hommes se mettront à genoux et rapiéceront les filets pour laisser place au sommeil, la nuit, une heure ou deux, et leurs mains deviennent douces, vierges de sel et d'huile, douces comme le pain du rêve, qu'elles rompent. La première vague de la nuit frappe la rive, la deuxième t'atteint déjà. Mais si ton regard perçant se transporte de l'autre côté, tu peux voir l'arbre encore, qui, rétif, lève la branche — le vent lui en a déjà coupé une — et tu penses : combien de temps encore,

Janos Pilinszky 1921 1981

JANOS PILINSZKY (1921~1981) La mer La mer as-tu dit en mourant, et depuis ce seul mot de toi signifie pour moi la mer, et aussi, peut-être, ce que tu es. Et peut-être aussi qui je suis ? Crêtes et creux de vagues. Ton agonie, telle la mer me libère et m’ensevelit. Mère, mère. Jours ordinaires. J’entends ta mort et je t’appelle. Terrifiants jours ordinaires. Pauvre, pauvre, pauvre, pauvre. (© Même dans l’obscurité, Orphée/La Différence, 1991. Traduction de Sarah Clair et Lorand Gaspar.) ____________

Virginia Woolf

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"De même un jour d'été, les vagues se rassemblent jusqu'à leur point d'équilibre et retombent; se rassemblent et retombent; et le monde entier semble dire:" c'est tout", de plus en plus lourdement jusqu'à ce que le cœur lui-même, dans le corps étendu au soleil sur la plage, dise à son tour, "c'est tout". "Ne crains plus" dit le cœur. "Ne crains plus" dit-il en remettant son fardeau à une mer qui soupire, solidaire de tous les chagrins, et qui de nouveau recommence, se rassemble et retombe" Virginia Woolf - Mrs Dalloway 

Angèle Paoli

« Il faudra alors oublier la lueur du regard et laisser au sourire le temps de s’estomper de n’être plus qu’une ombre au coin de ta paupière à peine un battement imperceptible des cils la soie d’un cheveu pâle glissé entre deux pages juste un mot évadé de tes courriers froissés juste un nom éclipsé dans l’océan du ciel une larme égarée dans l’infini silence » Angèle Paoli, Laisses de mer [sur site : La poésie que j’aime - via Pierre Perrin ]

Xuan Quynh 1942 1988

Le bateau et la mer Un jour , dire lequel ne saurait , Le bateau , à l'écoute de la mer , Se laisser mener de lieu en lieu Par les albatros et les vagues bleues . Le bateau est plein d'aspirations , Et la mer d'une immense affection . Il navigue sans cesse , sans fatigue , Elle s'ouvre toujours et encore sur l'infini . Les douces nuits baignées de lune , Comme une jeune fille , la mer Vient auprès du bateau s'épancher Au beau milieu des clapotis d'écume . Mais il arrive aussi que sans raison , La mer déchaîne ses flots sur le bateau Car l'amour comme nous le connaissons , N'a-t-il pas toujours des bas et des hauts ? Le bateau est le seul à concevoir A quel point la mer est immense . La mer est la seule à savoir D'où vient le bateau , vers où il avance . Les jours où ils ne se rencontrent pas La mer languit à se blanchir d'écume . Les jours où ils ne se rencontrent pas Le bateau souffre à se briser lui-même . S