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Affichage des articles du septembre, 2018

Yves Bonnefoy Le PONT DE FER

Un poème d'Yves Bonnefoy LE PONT DE FER Il y a sans doute toujours au bout d'une longue rue Où je marchais enfant une mare d'huile, Un rectangle de lourde mort sous le ciel noir. Depuis la poésie A séparé ses eaux des autres eaux, Nulle beauté nulle couleur ne la retiennent, Elle s'angoisse pour du fer et de la nuit. Elle nourrit Un long chagrin de rive morte, un pont de fer Jeté vers l'autre rive encore plus nocturne Est sa seule mémoire et son seul vrai amour. "Hier régnant désert" (Mercure de France)

Réflexion... Sôseki

"Sans savoir pourquoi J'aime ce monde Où nous venons pour mourir..." Natsume Sôseki (1867-1907)

Supervielle C'est vous quand vous êtes partie

Supervielle C'est vous quand vous êtes partie C'est vous quand vous êtes partie, L'air peu à peu qui se referme Mais toujours prêt à se rouvrir Dans sa tremblante cicatrice Et c'est mon âme à contre-jour Si profondément étourdie De ce brusque manque d'amour Qu'elle n'en trouve plus sa forme Entre la douleur et l'oubli. Et c'est mon cœur mal protégé Par un peu de chair et tant d'ombre Qui se fait au goût de la tombe Dans ce rien de jour étouffé Tombant des autres, goutte à goutte, Miel secret de ce qui n'est plus Qu'un peu de rêve révolu.

Abbé Poppe -- Ne Pas Se Plaindre

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Prière du quotidien  http://site-catholique.fr/index.php?post/Priere-de-l-abbe-Edouard-Poppe-de-Ne-Pas-Se-Plaindre     Prière du Bienheureux Abbé Édouard Poppe de la journée Voici la Prière « Ne Pas Se Plaindre » du Bienheureux Édouard Poppe (1890-1924), Prêtre Belge et Recteur de la Communauté des Religieuses de Saint Vincent de Paul en Belgique, qui donnait souvent cette résolution qui tient en quatre lettres : « N. P. S. P. » Facile à retenir ! Quatre lettres, rien de plus, et c’est la moitié de la sainteté : «  Ne Pas Se Plaindre ». La Prière de l'abbé Édouard Poppe « Ne Pas Se Plaindre » :   " N. P. S. P. ( N e P as S e P laindre) du froid ou du chaud ; N. P. S. P. de la nourriture..."

Pierre REVERDY Toi ou moi

Pierre REVERDY Toi ou moi Endormi dans cette chambre Il n’ose se réveiller La peur ferme son rêve noir Et ses membres Ne peuvent plus le soutenir Je t’abandonne il faut partir Si l’on n’aime bien que soi-même Je te laisse parce que je t’aime Et qu’il faut encore marcher Un jour nous nous retrouverons peut-être Où se croisent les souvenirs Où repassent les histoires d’autrefois Alors tu reviendras vers moi Nous pourrons rire Un espoir à peine indiqué Sous le vent une plainte amère La voix qui pourrait me guider A mon approche va se taire Dans la rue bordée de chansons Qui jaillissaient par les fenêtres Au coin des dernières maisons Nous nous regardions disparaître In Sources du vent. Gallimard, 1971. (Poésie).

ALEJANDRA PIZARNIK. Mots

Mots. C’est tout ce qu’on m’a donné. Mon héritage. Ma condamnation. Demander qu’on l’annule. Comment le demander avec des mots ? Les mots sont mon absence particulière. Comme la célèbre "propre mort" (célèbre pour les autres), il y a en moi une absence autonome faite de langage. Je ne comprends pas le langage et c’est la seule chose que j’aie. Je suis la nuit et nous avons perdu. C’est ainsi que je parle, lâches. La nuit est tombée et on a déjà pensé à tout.“ ALEJANDRA PIZARNIK.

Réflexion... Poésie René Crevel

“La poésie lance des ponts d'un sens à l'autre, de l'objet à l'image, de l'image à l'idée, de l'idée au fait précis. Elle est la route entre les éléments d'un monde que des nécessités temporelles d'étude avaient isolés, la route qui mène à ces bouleversantes rencontres dont témoignent les tableaux et collages de Dali, Ernst, Tanguy. Elle est la route de la liberté.“ RENÉ CREVEL.

Jaccottet - Sois tranquille, cela viendra !

Jaccottet - Sois tranquille, cela viendra ! Sois tranquille, cela viendra ! Tu te rapproches, tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin du poème, plus que le premier sera proche de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin. Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches ou reprendre souffle pendant que tu écris. Même quand tu bois à la bouche qui étanche la pire soif, la douce bouche avec ses cris doux, même quand tu serres avec force le noeud de vos quatre bras pour être bien immobiles dans la brûlante obscurité de vos cheveux, elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux, de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille, elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.

Bertolt Brecht – On brûle les livres

Bertolt Brecht – On brûle les livres  (1939) Quand le régime donna l’ordre de brûler sur la place publique Les livres pleins d’une science nocive et que partout L’on contraignit des boeufs à traîner aux bûchers des charrettes de livres, Un poète expulsé, l’un des meilleurs, étudiant la liste des Livres brûlés, découvrit avec épouvante que les siens Avaient été oubliés. Il se précipita à son bureau, La colère lui donnant des ailes, et écrivit une lettre aux despotes. «Brûlez-moi! – écrivit-il d’une plume rapide – Brûlez-moi! Ne me faites pas ce coup-là! Ne me laissez pas de côté! N’ai-je pas Toujours relaté la vérité dans mes livres? Et voilà que Vous me traitez maintenant comme un menteur! Je vous l’ordonne: Brûlez-moi!»

PAUL VERLAINE - Sagesse

“Le ciel est, par-dessus le toit, Si beau, si calme! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme. La cloche, dans le ciel qu'on voit, Doucement tinte, Un oiseau sur l'arbre qu'on voit, Chante sa plainte. Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville. -Qu'as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ?“ PAUL VERLAINE - Sagesse .

Joseph von Eichendorff

"Wandern lieb ich für mein Leben, Lebe eben wie ich kann, Wollt ich mir auch Mühe geben, Paßt es mir doch gar nicht an" "J'aime pour ma vie liberté errance vienne que pourra si je voulais me contraindre ça ne m'irait pas " Joseph von Eichendorff (1788-1857)

Nichita Stănescu. Si le poète se décourageait

Nichita Stănescu. Si le poète se décourageait Si le poète se décourageait, les feuilles tomberaient des arbres - et leurs branches prendraient le profil de potences. Si le poète se décourageait, les femmes enceintes ne donneraient plus la vie, ne donneraient plus jamais la vie. Mais de grâce et de misère, le poète, de grâce et de misère, meurt toujours, toujours, avant de se décourager.

Georg Heym – Ceux qui vont se suicider

Georg Heym – Ceux qui vont se suicider Errant parmi les arbres et les branches qui craquent, Ils sursautent à chacun de leurs humides pas, Rongés par l’eau, pourris. Au milieu de leur front Plein de frayeur vacille une blanche lueur. Leur vie déjà n’a plus guère de profondeur, Elle devient vapeur qui se perd dans l’air gris Comme une eau que l’on chauffe. En eux, se fait le vide. En louchant, ils regardent autour d’eux et leurs yeux Plus torves se confondent en un bleu délavé. Ils entendent déjà comme un confus murmure; Tels des ombres, ils sont là, sur les chemins obscurs Et des voix jusqu’à eux parviennent, faiblement; Elles s’élèvent de chaque arbre, chaque étang. Des mains frôlent leur nuque pesante et fouettent Leurs dos tout raides qu’en avant elles projettent. Ils vont, vacillant, comme sur des ponts étroits, Dans le vide alentour n’osant plus rien saisir. C’est le soir; une sombre neige dégouline, Leur barbe en est comme de pleurs toute givrée; Les piquants,

BORIS VIAN _ L’Evadé

BORIS VIAN _ L’Evadé Il a dévalé la colline Ses pas faisaient rouler les pierres Là-haut entre les quatre murs La sirène chantait sans joie Il respirait l’odeur des arbres Avec son corps comme une forge La lumière l’accompagnait Et lui faisait danser son ombre Pourvu qu’ils me laissent le temps Il sautait à travers les herbes Il a cueilli deux feuilles jaunes Gorgées de sève et de soleil Les canons d’acier bleu crachaient De courtes flammes de feu sec Pourvu qu’ils me laissent le temps Il est arrivé près de l’eau Il y a plongé son visage Il riait de joie il a bu Pourvu qu’ils me laissent le temps Il s’est relevé pour sauter Pourvu qu’ils me laissent le temps Une abeille de cuivre chaud L’a foudroyé sur l’autre rive Le sang et l’eau se sont mêlés Il avait eu le temps de voir Le temps de boire à ce ruisseau Le temps de porter à sa bouche Deux feuilles gorgées de soleil Le temps d’atteindre l’autre rive Le temps de rire aux assassins Le temps de courir vers

Stéphane Mallarmé - Angoisse

Stéphane Mallarmé ANGOISSE Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser Dans tes cheveux impurs une triste tempête Sous l’incurable ennui que verse mon baiser : Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes Planant sous les rideaux inconnus du remords, Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges, Toi qui sur le néant en sais plus que les morts : Car le Vice, rongeant ma native noblesse, M’a comme toi marqué de sa stérilité, Mais tandis que ton sein de pierre est habité Par un cœur que la dent d’aucun crime ne blesse, Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul, Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.

WINSTON PEREZ - Fuite

WINSTON PEREZ - Fuite Et Je me suis enfui Je suis devenu Sphinx Et mille ans sont passés au doux son de Syrinx Et Je me suis enfui J’ai acosté à Tyr Et quand le soleil fût je ressortis ma Lyre Et je me suis enfui Et coupait au silex Je m’enivrai la nuit des horizons convexes Et je me suis enfui Pour ne jamais revoir l'aube

PAUL VINCENSINI Aucun signe

Un poème de PAUL VINCENSINI Aucun signe J'ai éclaté de rire le long des maisons Où habitèrent mes amours pâles Des foulards des corsets fleurissaient les fenêtres Mais nulle n'apparaissait et je me sentais las Que me sert de courir J'aurai toujours vingt ans Et toujours mes chemins me ramèneront Près des fenêtres noires Où nulle n'apparaîtra

Pablo Neruda – Fable de la sirène et des ivrognes

Pablo Neruda – Fable de la sirène et des ivrognes (Fábula De La Sirena Y Los Borrachos Version originale sous la traduction Tous ces messieurs étaient là-bas Lorsqu’elle entra complètement nue Ils avaient bu et commencèrent à lui cracher dessus Elle ne comprenait rien, elle sortait à peine du fleuve C’était une sirène qui s’était égarée Les insultes couraient sur sa chair lisse L’immondice couvrait ses seins d’or Elle ne savait pas pleurer c’est pourquoi elle ne pleurait pas Elle ne savait pas s’habiller c’est pourquoi elle ne s’habillait pas Ils la tatouèrent avec des cigarettes et des bouchons brûlés Et ils riaient jusqu’à tomber sur le sol de la taverne Elle ne parlait pas car elle ne savait pas parler Ses yeux étaient couleur d’amour lointain Ses bras bâtis de topazes jumeaux Ses lèvres se coupèrent dans la lumière du corail Et tout à coup elle sortit par cette porte À peine entra t-elle dans le fleuve qu’elle fut propre Elle resplendit

Silvina Ocampo – La beauté

Silvina Ocampo – La beauté Ah, qui pourrait expliquer la beauté! Secrète dans son enveloppe céleste de cristal, comme un pendule ou un ange sous un globe qui brille et spontanément nous offre le bonheur ou la tristesse. Expliquer la beauté! Nue, tremblante et dessinée sur la poussière ou le marbre du temps que de longues heures assoiffées contemplent, liment, polissent attentives, comme la douce pierre où se posent les lèvres de la mer qui traverse les tempêtes. Schopenhauer n’a pas su la définir et en vain Platon dans ses Dialogues l’évoqua tant de fois. Elle tremble comme dans l’eau que l’obscurité scelle, le parfait reflet d’une aile ou d’une main ou d’une ancienne étoile. Ah! qui pourrait dire de quelles fébriles substances elle naît, et à quel moment, avec quelles mesures furent découverts ses visages si pleins de mystérieuses, fugaces perfections, à l’image des parfums infondés d’une fleur.

Jorge Luis Borges – Le Bonheur

Jorge Luis Borges – Le Bonheur Celui qui embrasse une femme est Adam. La femme est Eve. Tout se passe pour la première fois. J’ai vu une chose blanche dans le ciel. On me dit que c’est la lune, mais que puis-je faire avec un mot et une mythologie ? Les arbres me font peur. Ils sont si beaux. Les animaux tranquilles s’approchent pour que je dise leur nom. Les livres de la bibliothèque n’ont pas de lettres. Quand je les ouvre, elles surgissent. Parcourant l’atlas je projette la forme de Sumatra. Celui qui brûle une allumette dans le noir est en train d’inventer le feu. Dans le miroir, il y a un autre qui guette. Celui qui regarde la mer voit l’Angleterre. Celui qui profère un vers de Liliencron est entré dans la bataille. J’ai rêvé Carthage et les légions qui désolèrent Carthage. J’ai rêvé l’épée et la balance. Loué soit l’amour où il n’y a ni possesseur ni possédé mais où tous deux se donnent. Loué soit le cauchemar, qui nous dévoile que nous pouvons

Charles Bukowski – Les plus forts des étranges

Charles Bukowski – Les plus forts des étranges vous ne les verrez pas souvent car où est la foule ils ne sont pas. ces gens bizarres, pas nombreux mais d’eux proviennent les rares bons tableaux les rares bonnes symphonies les rares bons livres et autres œuvres. et des meilleurs des étranges peut-être rien. ils sont leurs propres tableaux leurs propres livres leur propre musique leur propre œuvre. parfois je crois les voir – disons un certain vieil homme assis sur un certain banc d’une certaine façon ou un visage entrevu croisé dans une automobile qui passe ou un certain geste des mains d’un garçon ou d’une fille qui emballe les provisions à la caisse d’un supermarché. parfois c’est même quelqu’un avec qui on vit depuis un certain temps - on remarque un regard vif comme l’éclair qu’on ne leur a jamais vu avant. parfois on ne remarque

Exposition de livres pauvres

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Superbe mise en valeur dans la salle d'exposition de la médiathèque Daniel Leuwers et Ghislaine Lejard Ma contribution dans la collection nantaise et mon passage dans le catalogue Une belle aventure suit sa voie

Je n'écrirai plus ~ Gabrielle Burel

Je n'écrirai plus La joie a fait son nid Dans mes mots Tissés d'amertume Je n'écrirai plus La joie a lessivé Ma souffrance À sa source vive Je n'écrirai plus La joie apporte En oraison Le silence de cristal Je vous salue, Gabrielle Burel 14 09 2018

Loguivy de la mer

Loguivy de la mer (chant François Budet ) Ils reviennent encore à l'heure des marées S'asseoir sur le muret, le long de la jetée Ils regardent encore au delà de Bréhat Respirant le parfum du vent qui les appelle Mais il est révolu le temps des Terres Neuvas La race des marins, chez nous ne s'en va pas Loguivy de la mer, Loguivy de la mer Tu regardes mourir, les derniers vrais marins Loguivy de la mer, au fond de ton vieux port S'entassent les carcasses des bateaux déjà morts. Ils ont connu le temps où la voile était reine Ils parlent des haubans, des focs et des misaines De tout ce qui a fait le charme de leur vie Et qu'ils emporteront avec eux dans l'oubli Mais s' il est révolu le temps des Cap-Horniers Il reste encore chez nous d'la graine d'aventuriers Je n'ai jamais su dire ce que disent leurs yeux Perdus dans ces visages burinés par le vent Ces beaux visages d'hommes, ces visages de vieux Qui savent encore sourire et

Le temps ~ Gabrielle Burel

Se dévide l'écheveau De la quenouille  S'embobine le fil  Du souvenir  Et s'aiguise la vie  Sur le tranchant de la faux Tandis qu'à terre  S'égrènent les ans  Gabrielle Burel  21 06 18 http://www.toutelapoesie.com/salons/topic/83201-le-temps/

Thérèse d'Avila

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"Tout n'est rien"  " C'est, en effet, un nouveau livre qui va s'ouvrir, je veux dire une nouvelle vie. Jusqu'ici c'était ma vie à moi ; celle qui a commencé avec les grâces d'oraison dont j'ai entrepris le récit est bien, je crois pouvoir le dire, la vie de Dieu en moi" (Livre de la vie chap 23) 

Octavio Paz - Pierre de Soleil

Octavio Paz - Pierre de Soleil un saule de cristal, un peuplier d'eau sombre, un haut jet d'eau que le vent arque, un arbre bien planté mais dansant, un cheminement de rivière qui s'incurve, avance, recule, fait un détour et arrive toujours:                               un cheminement calme d'étoile ou de printemps sans hâte, une eau aux paupières fermées qui jaillit toute la nuit en prophéties, unanime présence en houle, vague après vague jusqu'à tout recouvrir, verte souveraineté sans crépuscule comme l'éblouissement des ailes quand elles s'ouvrent dans le milieu du ciel, un cheminement entre les épaisseurs des jours futurs et du funeste éclat du malheur comme un oiseau pétrifiant la forêt par son chant et les félicités imminentes entre les branches qui s'évanouissent, heures de lumière que grignotent déjà les oiseaux, présages qui s'échappent de la main, une présence comme un chant soudain, comme le vent chantant dans l&#

François Laur 1943 2016

" LE PÈSE-LETTRE Sur ma table de travail, la chose pour moi la plus précieuse est ce pèse-lettre que l’on m’a offert, un noël. Jour après jour, j’expédie un courrier plutôt nombreux et varié, y compris hors de France, et goûte fort peu l’agrément de me rendre à la poste piétiner des demi-heures entières – dans une file de ronchons excédés par l’attente et sans aménité le faisant savoir, l’usager qui vous suit essayant de gagner une place, protestant de son arrivée antérieure à la vôtre, se glissant devant vous – pour atteindre le guichet, parvenir enfin à connaître le coût de l’affranchissement. Bien que mes lettres ou paquets légers ne demandent le plus souvent que vignettes banales (dès l’objet sur le plateau, le trait rouge le dit qui indique le poids) : de papier le bateau et d’encre le quai, voilà que peuvent aisément s’embarquer les mots en plis palpables pour des rivages où s’allument des feux, toucher des corps frémissants (ô fuyante plénitude dans l’épanoui de tes hanch

Verlaine, En septembre

En septembre Parmi la chaleur accablante Dont nous torréfia l’été, Voici se glisser, encor lente Et timide, à la vérité, Sur les eaux et parmi les feuilles, Jusque dans ta rue, ô Paris, La rue aride où tu t’endeuilles De tels parfums jamais taris, Pantin, Aubervilliers, prodige De la Chimie et de ses jeux, Voici venir la brise, dis-je, La brise aux sursauts courageux… La brise purificatrice Des langueurs morbides d’antan, La brise revendicatrice Qui dit à la peste : va-t’en ! Et qui gourmande la paresse Du poëte et de l’ouvrier, Qui les encourage et les presse… ” Vive la brise ! ” il faut crier : ” Vive la brise, enfin, d’automne Après tous ces simouns d’enfer, La bonne brise qui nous donne Ce sain premier frisson d’hiver ! “ Paul Verlaine, Poèmes divers