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Affichage des articles du juillet, 2018

George Bacovia – Rare

George Bacovia – Rare Si seul, si seul, si seul, Une auberge perdue - L’aubergiste, endormi, Désertes sont les rues, Si seul, si seul, si seul… II pleut, il pleut, il pleut, Temps d’ivresse, d’orgie Écoute ce désert, Quelle mélancolie ! II pleut, il pleut, il pleut… Et nul, et nul, et nul Ne sait rien de moi, Depuis si longtemps, Mais tant mieux, ma foi Et nul, et nul, et nul… Frisson, frisson, frisson, Chaque ironie levée Se trouve sans écho - La nuit est avancée, Frisson, frisson, frisson. Toujours, toujours, toujours, Les errances dès lors Ne m’appelleront plus - Sur les rêves, la mort, Toujours, toujours, toujours… Si seul, si seul, si seul, Temps d’ivresse, d’orgie - Écoute comme il pleut, Quelle mélancolie, Si seul, si seul, si seul…

Réflexion... André Gide

« Le présent serait plein de tous les avenirs, si le passé n’y projetait déjà une histoire.  » André Gide

ALBERTINE SARRAZIN - Nous nous étions

ALBERTINE SARRAZIN - Nous nous étions Nous nous étions promis retour à la Saint-Jean Pour marier d'amour nos routes vagabondes Tu me reviendrais pâle avec les lèvres blondes Toute peine finie avec le long printemps Sous ma tranquillité cachant le bel émoi Je m'étais maquillée à l'air des longs voyages Mais au bar le miroir dénonça nos visages Lorsque tu m'apparus debout derrière moi La joie étincela au contact de nos mains Et nous sommes allés filant la Fantaisie Jetant à travers champs l'éternité choisie Pour qu'elle nous revînt au bout des lendemains Les amants ont franchi les feux porte-bonheur Ils dorment souriants l'aube les illumine Les yeux clos tu conduis mes doigts vers ta poitrine Et je griffe des majuscules sur ton cœur

Réflexion... Maurice Blanchot

L’œuvre est solitaire : cela ne signifie pas qu’elle reste incommunicable, que le lecteur lui manque. Mais qui la lit entre dans cette affirmation de la solitude de l’œuvre, comme celui qui l’écrit appartient au risque de cette solitude. Maurice Blanchot. L'Espace Littéraire

Rainer Maria Rilke – Pour écrire un seul vers

" Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souv

Paul Valéry - Le cimetière marin

Paul Valéry (Charmes) Μή, φίλα ψυχά, βίον ἀθάνατον σπεῦδε, τὰν δ' ἔμπρακτον ἄντλει μαχανάν. Pindare,  Pythiques, III.   [1]   «  Ô mon âme, n'aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible !  » (Source : Citations de Pindare - Dicocitations ™)  Le Cimetière marin Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes ; Midi le juste y compose de feux La mer, la mer, toujours recommencée ! Ô récompense après une pensée Qu’un long regard sur le calme des dieux ! Quel pur travail de fins éclairs consume Maint diamant d’imperceptible écume, Et quelle paix semble se concevoir ! Quand sur l’abîme un soleil se repose, Ouvrages purs d’une éternelle cause, Le Temps scintille et le Songe est savoir. Stable trésor, temple simple à Minerve, Masse de calme et visible réserve, Eau sourcilleuse, Œil qui gardes en toi Tant de sommeil sous un voile de flamme, Ô mon silence !… Édifice dans l’âme, Mais comble d’or aux mille t

Joachim DU BELLAY - Heureux qui comme Ulysse

"Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme celui-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ! Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison, Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ? Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine, Plus mon Loire Gaulois, que le Tibre Latin, Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, Et plus que l’air marin la douceur Angevine.“ JOACHIM DU BELLAY

Thierry Metz - D'elle j'attends

D’elle j’attends ce dessin presqu’un oiseau une branche ce quelque chose entre le ciel et ma main et ce caillou qui ne m’arrête pas est-il autre chose pour s’éloigner que d’avoir grandi où elle aura passé Ainsi chaque jour un travail perché sur mon épaule la terre en vue retournée par la mort un instant de ce qui brille les yeux fermés Paupière une écriture si fine frissonne de recueillement dans les branches d’un oiseau gavé de lumière comme un fruit Thierry Metz

Mahmoud Darwich - Sonnet

Mahmoud Darwich - Sonnet J’aime, de la nuit, le prélude lorsque vous venez, Main dans la main et me prenez lentement,   strophe après strophe, dans vos bras. Vous m’emporterez, tout là-haut, sur vos ailes.   Amis, restez, ne vous hâtez pas Et dormez contre mes flancs pareils aux ailes   d’une hirondelle fatiguée.    Votre soie est chaude. A la flûte d’attendre un peu Pour polir un sonnet lorsque vous me trouverez   secret et beau Comme un sens sur le point de se dénuder. Ne   parvenant à arriver Ni à s’attarder devant les mots, il me choisit pour seuil. J’aime, de la poésie, la spontanéité de la prose   et de l’image voilée, Dépourvue d’une lune pour l’éloquence : Ainsi lorsque tu t’avances pieds nus, la rime   abandonne L’étreinte des mots et la cadence se brise au   plus fort de l’essai.   Un peu de nuit auprès de toi suffit pour que je   sorte de ma Babylone Vers mon essence – ma fin. Oint de jardin en   moi Et tu es toute, toi. Et, de toi, déborde le mo

Gastão Cruz - Petit sonnet du sommeil

Gastão Cruz - Petit sonnet du sommeil C’est le sommeil qui dort Comme dorment les pierres Et non les yeux qui meurent Derrière les paupières                  La nuit a un plateau Plus lourd en sa balance Lorsque sur lui s’abat Le sommeil qui s’endort           Non nous ne dormons pas Non nous ne mourons pas Sous les paupières lourdes     C’est le sommeil qui meurt Et c’est la mort qui dort Quand nous dormons en elle.

AD(n) - La Charmeuse

La charmeuse Dans tes yeux j’ai pu voir un morceau d’étoile Un diamant qui est si bleu Que les miens encore se voilent Parfois j’aimerais être un arbre Pour que tu deviennes ma sève Je baisserai alors mes armes Car je vivrais dans un rêve Mais ne croyant pas aux merveilles Je laisse s’exprimer mon cœur Pour celle qui dans mon sommeil M’apporte tant de bonheur AD(n)

VICTOR HUGO - Mais tu brûles

VICTOR HUGO - Mais tu brûles ! - Mais tu brûles ! Prends garde, esprit ! Parmi les hommes, Pour nous guider, ingrats ténébreux que nous sommes, Ta flamme te dévore, et l'on peut mesurer Combien de temps tu vas sur la terre durer. La vie en notre nuit n'est pas inépuisable. Quand nos mains plusieurs fois ont retourné le sable Et remonté l'horloge, et que devant nos yeux L'ombre et l'aurore ont pris possession des cieux Tour à tour, et pendant un certain nombre d'heures, Il faut finir. Prends garde, il faudra que tu meures. Tu vas t'user trop vite et brûler nuit et jour ! Tu nous verses la paix, la clémence, l'amour, La justice, le droit, la vérité sacrée, Mais ta substance meurt pendant que ton feu crée. Ne te consume pas ! Ami, songe au tombeau ! - Calme, il répond : - je fais mon devoir de flambeau.

Robert Desnos

Le jour est à sa place et coule à fond de temps, A moins que l'être monte à travers des espaces Superposés dans la mémoire et délestant La cervelle et le cœur de souvenirs tenaces. Étés, puissants étés, votre nom même passe, Être et avoir été, passe-temps et printemps, Il passe, il est passé comme une eau jamais lasse, Sans cicatrices, sans témoins et sans étangs. Saisons, vous chérissez du moins le grain de blé Qui doit germer aux jours de dégel et la clé Pour ouvrir aux départs les portes charretières. Les astres dans le ciel par vous sont rassemblés, L'an va bientôt finir et des pas accablés Traînent sur les chemins ramenant aux frontières. Robert Desnos

Federico García Lorca - Détonation

Détonation . C'était un oiseau, un bel oiseau un oiseau couleur de feu avec quelques plumes blanches . C'était un oiseau, un bel oiseau un oiseau qui neigeait goutte à goutte sur le sol son sang vermeil. C'était un oiseau . un bel oiseau qu'on entendait le soir sur les terrasses . C'était un oiseau de mer, un oiseau de flamme un écho des montagnes sauvages là-bas... C'était ‒ et je voudrais ne pas m'en souvenir ‒ c'était hier . dans le claquement sec des fusils et le pas épais des hommes . C'était hier : un murmure affolé dans les oliveraies une fièvre qui courait sur le Guadalquivir un frisson . Pour dire la mort de l'oiseau, ses soubresauts l'éternité de son chant la malédiction des gitanes en pleurs contre ces hommes bottés . Casqués de nuit. C'était un oiseau, un bel oiseau un rossignol d'Andalousie . On l'appelait . Federico García Lorca !                                                 

Erik Satie - pensées

ERIK SATIE (1866~1925) « Je suis venu au monde très jeune dans un monde très vieux ». « Il ne suffit pas de refuser la Légion d’Honneur ; encore faut-il ne pas la mériter » « Quand j’étais jeune, on me disait : « Vous verrez quand vous aurez cinquante ans ». J’ai cinquante ans, et je n’ai rien vu. » « Pourquoi l’argent n’aurait-il pas d’odeur, lui qui peut tout avoir ? » « Si vous voulez vivre longtemps, vivez vieux. » (Cahiers d’un mammifère) « Les pianos, c’est comme les chèques : ça ne fait plaisir qu’à ceux qui les touchent. » « Plus je connais les hommes, plus j’admire les chiens. » (Les Raisonnements d’un têtu) « Si je ris, c’est sans le faire exprès. » (La journée du musicien) « S’il me répugne de dire tout haut ce que je pense tout bas, c’est uniquement parce que je n’ai pas la voix assez forte. » « La poutre qui est dans l’oeil de chaque critique lui sert de longue-vue pour apercevoir la faille qui est dans l’oeuvre de chaque auteur. » « L’air de Paris est si mauvai

AD(n) - Essence du temps

Une nouvelle plume, de qui j'apprécie l'écriture. Voici AD(n) Essence du temps J e suis un voyageur Où pigeon si tu veux, J’écris avec mon cœur La plume vers l’horizon Je navigue sur les flots D’une mer déchaine Me sauvant par les mots Des eaux qui m’entrainais C’est aux chants des six reines Que j’ai mis pieds a terre Elles sont devenu les reines L’oxygène de mes vers Je leurs dédis mon souffle A chacun de mes pas Elles m’éloignent de ce gouffre La main tendue vers moi Caché dans ma poitrine Je les entends encore Leurs voix je les devine Par des battement plus fort A chaque minute qui passe C’est leur son qui me guide Ce slam me dépasse Moi qui me pensé vide La peine n’a plus sa place Mon bonheur se débride Mes muses ont tend de classe Leur beauté m’intimide Elles dansent autour de moi Devenu mon univers Un monde où je suis roi Poète a ma manière Je leurs ouvre mon cœur D’un amour amical Mon s

Supervielle - Le matin et les arbres

L'ARBRE Il y avait autrefois de l'affection, de tendres sentiments, C'est devenu du bois. Il y avait une grande politesse de paroles, C'est du bois maintenant, des ramilles, du feuillage. Il y avait de jolis habits autour d'un cœur d'amoureuse Ou d'amoureux, oui, quel était le sexe? C'est devenu du bois sans intentions apparentes Et si l'on coupe une branche et qu'on regarde la fibre Elle reste muette Du moins pour les oreilles humaines, Pas un seul mot n'en sort mais un silence sans nuances Vient des fibrilles de toute sorte où passe une petite fourmi. Comme il se contorsionne l'arbre, comme il va dans tous les sens, Tout en restant immobile ! Et par là-dessus le vent essaie de le mettre en route Il voudrait en faire une espèce d'oiseau bien plus grand que nature Parmi les autres oiseaux Mais lui ne fait pas attention, Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons, Et regarder, pour mieux se taire, Écout

Simone Veil au Panthéon

Discours de la cérémonie  « Le 5 juillet dernier, lorsque j’ai annoncé, à l’issue de l’hommage qui lui était rendu dans la Cour des Invalides, que Simone Veil reposerait au Panthéon au côté de son époux, cette décision ne fut pas seulement la mienne. Ce ne fut pas non plus celle de sa famille qui, cependant, y consentit. Cette décision fut celle de tous les Français. C’est intensément, tacitement, ce que toutes les Françaises et tous les Français souhaitaient. Car la France aime Simone Veil. Elle l’aime dans ses combats, toujours juste, toujours nécessaire, toujours animée par le souci des plus fragiles où elle s’engagea avec une force de caractère peu commune. La France l’aime plus encore parce qu’elle a compris d’où lui venait cette force mise au service d’une humanité plus digne. Ce n’est que tardivement, lorsque Simone Veil passée 50 ans que la France découvrit que les racines de son engagement plongeaient dans la noirceur absolue, innommable des camps de la mort. C’est là qu’ell