Articles

Affichage des articles du janvier, 2019

Nouvelle Partition ~ Gabrielle Burel

Image
Nouvelle partition  Qu'as-tu pris en ce jour ? La clé des champs La poudre d'escampette D'un rayon de joie Filer sa route au soleil Qu'as-tu pris en ce jour ? Le temps de rêver Avancer à sa guise Vraiment trois fois rien  Juste la liberté Gabrielle Burel 01/2019  (2019) À Marie Paule, à l'occasion de son départ en retraite à 60 ans  :) À Marie-Paule (2009)  Anniversaire, 50 ans Thèmes: Fleurs & Dizaines

Henri BATAILLE Les souvenirs

HENRI BATAILLE (1872~1922) Les souvenirs Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures, Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer, Parce que de vieux parents jadis y moururent. On vit dans la maison où sont ces chambres closes. On sait qu'elles sont là comme à leur habitude, Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose... La maison se remplit ainsi de solitude, Et l'on y continue à vivre en souriant...

Yeats La douleur d'aimer

LA DOULEUR D’AIMER William Butler Yeats Une douleur au-delà des mots Se cache dans le coeur d’amour : Les peuples qui vendent et achètent Les nuages de leurs voyages passés, Les vents froids et humides qui toujours ont soufflé, Et l’ombrageuse coudraie Où s’écoulent les eaux opaques, Ils menacent l’être que j’aime.

JACQUES PREVERT - Fleurs et Couronnes

JACQUES PREVERT - Fleurs et Couronnes Homme Tu as regardé la plus triste la plus morne de toutes les fleurs de la terre Et comme aux autres fleurs tu lui as donné un nom Tu l'as appelée Pensée. Pensée C'était comme on dit bien observé Bien pensé Et ces sales fleurs qui ne vivent ni ne se fanent jamais Tu les as appelées immortelles... C'était bien fait pour elles... Mais le lilas tu l'as appelé lilas Lilas c'était tout à fait ça Lilas... Lilas... Aux marguerites tu as donné un nom de femme Ou bien aux femmes tu as donné un nom de fleur C'est pareil. L'essentiel c'était que ce soit joli Que ça fasse plaisir... Enfin tu as donné les noms simples à toutes les fleurs simples Et la plus grande la plus belle Celle qui pousse toute droite sur le fumier de la misère Celle qui se dresse à côté des vieux ressorts rouillés A côté des vieux chiens mouillés A côte des vieux matelas éventrés A côté des baraques de

Réflexion... Bernard Noël

BERNARD NOËL • Il n’y a plus d’infini. Il y a de l’interminable. Le problème de l’homme est d’assumer cet interminable. • Ecrire = c’est comme s’effondrer au-dedans. • Ecrire = faire le vide pour qu’une précipitation soit possible. • Rendre l’empreinte verbale de l’empreinte charnelle, voilà ce que je cherche. • Être humain est un long travail d’illusion.

Saint-Pol-Roux Chauves-souris

Saint-Pol-Roux (né le 15 janvier 1861) Chauves-souris Mienne, évitons les éteignoirs manipulés par des bras maigres jusqu'à l'invisibilité. Regarde-les s'évertuer contre les choses de clarté. Mienne, évitons les éteignoirs manipulés par des bras maigres jusqu'à l'invisibilité. Les voici sur les yeux des jardins, les voilà sur les fleurs des visages. Mienne, évitons les éteignoirs manipulés par des bras maigres jusqu'à l'invisibilité. Si ces bras n'étaient courts, il en serait fait déjà de ce premier essaim d'étoiles. Mienne, évitons les éteignoirs manipulés par des bras maigres jusqu'à l'invisibilité. Notre amour étant de la lumière aussi, rentrons vite jouer, paupières closes, à la mort rose, dans le lin du rêve, O Mienne, afin de dépister les éteignoirs manipulés par des bras maigres jusqu'à l'invisibilité.

Conrad Aiken - La Musique que j'entendais avec toi

Conrad Aiken  - La Musique que j'entendais avec toi La Musique que j'entendais avec toi était plus que de la musique, et le pain que je rompais avec toi était plus que du pain. Maintenant que je suis sans toi, tout est désolé, tout ce qui auparavant était si beau est mort. Tes mains ont touché cette table, cette argenterie, et j'ai vu un jour tes doigts tenir ce verre. Ces choses ne se souviennent pas de toi, ma bien-aimée : et cependant ton toucher sur eux ne passera pas. Car c'était dans mon coeur que tu te mouvais parmi eux, et les bénissais de tes mains et de tes yeux. Et dans mon coeur ils se souviendront toujours : qu'ils t'ont connu un jour, O belle et sage !

JORGE LUIS BORGES

"Aucune étoile ne restera dans la nuit. Ni la nuit ne restera. Je mourrai et avec moi mourra la somme de l'intolérable univers. J'effacerai les pyramides, les médailles, les continents, les visages. J'effacerai l'accumulation du passé. Je réduirai en poussière l'histoire, en poussière la poussière. Je regarde le dernier coucher de soleil. J'entends le dernier oiseau. Je lègue le néant à personne." JORGE LUIS BORGES -Traduction Roger Caillois.

Réflexion.. Gilles DELEUZE

“Les hommes ne cessent de fabriquer une ombrelle qui les abrite, sur le dessous de laquelle ils tracent un firmament et écrivent leurs conventions, leurs opinions ; mais le poète, l’artiste pratique une fente dans l’ombrelle, il déchire même le firmament, pour faire passer un peu de chaos libre et venteux et cadrer dans une brusque lumière une vision qui apparaît à travers la fente, primevère de Wordsworth, ou pomme de Cézane, silhouette de Macbeth ou d’Achab. Alors suivent la foule des imitateurs qui ravaudent l’ombrelle avec une pièce qui ressemble vaguement à la vision, et la foule des glossateurs qui remplissent la fente avec des opinions, de la communication. Il faudra toujours d’autres artistes pour faire d’autres fentes, opérer les destructions nécessaires, peut-être de plus en plus grandes, et redonner ainsi à leurs prédécesseurs l’incommunicable nouveauté qu’on ne savait plus voir.“ Gilles DELEUZE - Qu'est ce que la philosophie ?

JACQUES RÉDA. - L'Instant

"J'aimerai cet instant pour lui-même, dans sa froideur Soudaine après un long détour et la déclivité De la rue affleurant au loin l'eau très basse du ciel, Après l'arbre effleurant derrière les maisons le cercle Invisible où j'ai cru poser la main, dans cet instant. " JACQUES RÉDA. - L'Instant.

Réflexion.. OSSIP MANDELSTAM

"Détruisez le manuscrit, mais conservez ce que vous avez crayonné en marge par ennui, par impuissance et comme en rêve. Ces créatures de second plan, incontrôlées, nées de votre fantaisie, ne se perdront pas de par le monde ; elles s'installeront aussitôt derrière des pupitres ombragés, comme les troisièmes violons de l'opéra Marie, et pour remercier leur créateur, elles mitonneront sur l'heure l'ouverture de Lénore ou celle de l'Egmont de Beethoven. Il est terrible de penser que notre vie est un récit sans sujet ni héros, fait de vide et de verre, du balbutiement fiévreux des seules digressions, du délire grippal de Pétersbourg. L'Aurore aux doigts de rose a cassé ses crayons de couleur. Ils traînent à présent comme des oisillons au bec béant et vide. Cependant, il me semble résolument voir là les arrhes de mon délire en prose bien-aimé." OSSIP MANDELSTAM.

Gérard de Nerval - Fantaisie

"Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très-vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que dans une autre existence peut-être, J'ai déjà vue... et dont je me souviens !" Gérard de Nerval - Fantaisie

HENRY BAUCHAU - LE SEL

HENRY BAUCHAU - LE SEL Il vient de la mer, je le sais son sel durcit dans ma broussaille Le soir, s’il me dit : chante ! je deviens fou, mon ombre est folle je dis la chose sans paroles. Les gens viennent, les gens se taisent sous la lune. Et je danse pour le viril le plus mouvant, plus simple et plus terriblement subtil. Je meurs, je sombre, délirance est sous la pointe de mon pied. Rien, la voix ne m’est rien. C’est son silence contre toujours plus contre moi qui révolte et fait tourner le ciel.

CARLO BORDINI- Poème inutile

POÈME INUTILE - CARLO BORDINI Je suis un type quelconque de l’occident chrétien un jour nous fîmes une réunion près de l’église de et nous avions un air extrêmement sauvage je ne comprends pas grand chose en ce sens je n’ai rien à dire j’écris donc ceci par pur narcissisme et j’en suis fier (parce que je me libère au moins) un jour des policiers entrèrent chez moi leurs pistolets pointés et je dis « bonjour » je ne peux pas m’empêcher d’être comique un jour nous avions fait une réunion près de l’église de San Pantaleo et nous avions un air extrêmement sauvage (c’étaient les années 70) et bien sûr nous n’étions pas chrétiens poème inutile dans quel sens ? qu’il est inutile aux autres et à moi le commissaire qui commandait les hommes armés se mit avec nous autour d’une table et il dit : mais où vais-je trouver un autre travail, à mon âge après la septième fois elle [me] dit: « Arrête, je vais m’évanouir » J’ai exploré les méandres de la

GUADALUPE GRANDE Et les chattes mettent bas

ET LES CHATTES METTENT BAS - GUADALUPE GRANDE . (version originale sous la traduction) Ainsi tu écoutes les choses de ta vie comme le miaulement d’un chat au fond du jardin Tu te réveilles à l’aube et tu écoutes au fond tout au fond ce miaulement lointain de chat nouveau-né Un été un autre un autre encore jusqu’à parvenir à cette nuit Au fond du jardin au fond Ainsi tu écoutes les choses de ta vie ainsi tu écoutes les choses du monde dans l’obscurité de la nuit en tâtant la peur de ne pas comprendre ou de ne pas vouloir le faire et ce chat qui n’arrête pas de miauler et c’est une petite blessure tu ne sais pas de quoi tu ne sais pas de qui mais il reste là insistant criant de faim et de nuit au bord du danger au bord de l’abîme au bord du jardin une auto un phare et puis rien et les miaulements continueront plus aveugles que toi et tu verras l’été prochain jusqu’à la prochaine canicule le son impuissant comme une onomatopée si peu lyrique que t

René CHAR Le marteau sans maître

Le Marteau sans maître, 1934 Commune présence Tu es pressé d'écrire, Comme si tu étais en retard sur la vie. S'il en est ainsi fais cortège à tes sources. Hâte-toi. Hâte-toi de transmettre Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance. Effectivement tu es en retard sur la vie, La vie inexprimable, La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir, Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses, Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés Au bout de combats sans merci. Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière. Si tu rencontres la mort durant ton labeur, Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride, En t'inclinant. Si tu veux rire, Offre ta soumission, Jamais tes armes. Tu as été créé pour des moments peu communs. Modifie-toi, disparais sans regret Au gré de la rigueur suave. Quartier suivant quartier la liqui

Aristide Bruant Fantaisie triste

Fantaisie triste - Aristide Bruant I’ bruinait… L’temps était gris, On n’voyait pus l’ciel… L’atmosphère, Semblant suer au d’ssus d’Paris, Tombait en bué’ su’ la terre. I’ soufflait quéqu’chose… on n’sait d’où, C’était ni du vent ni d’la bise, Ça glissait entre l’col et l’cou Et ça glaçait sous not’ chemise. Nous marchions d’vant nous, dans l’brouillard, On distinguait des gens maussades, Nous, nous suivions un corbillard Emportant l’un d’nos camarades. Bon Dieu ! qu’ça faisait froid dans l’dos ! Et pis c’est qu’on n’allait pas vite ; La moell’ se figeait dans les os, Ça puait l’rhume et la bronchite. Dans l’air y avait pas un moineau, Pas un pinson, pas un’ colombe, Le long des pierr’ i’ coulait d’l'eau, Et ces pierr’s-là… c’était sa tombe. Et je m’disais, pensant à lui Qu’ j’avais vu rire au mois d’septembre Bon Dieu ! qu’il aura froid c’tte nuit ! C’est triste d’mourir en décembre. J’ai toujours aimé l’bourguignon, I’ m’ sourit chaqu’ fois qu’ i’ s’allu

VERLAINE - Cauchemar

VERLAINE - Cauchemar J’ai vu passer dans mon rêve - Tel l’ouragan sur la grève, - D’une main tenant un glaive Et de l’autre un sablier, Ce cavalier Des ballades d’Allemagne Qu’à travers ville et campagne, Et du fleuve à la montagne, Et des forêts au vallon, Un étalon Rouge-flamme et noir d’ébène, Sans bride, ni mors, ni rêne, Ni hop ! ni cravache, entraîne Parmi des râlements sourds Toujours ! toujours ! Un grand feutre à longue plume Ombrait son oeil qui s’allume Et s’éteint. Tel, dans la brume, Éclate et meurt l’éclair bleu D’une arme à feu. Comme l’aile d’une orfraie Qu’un subit orage effraie, Par l’air que la neige raie, Son manteau se soulevant Claquait au vent, Et montrait d’un air de gloire Un torse d’ombre et d’ivoire, Tandis que dans la nuit noire Luisaient en des cris stridents Trente-deux dents.

ALEJANDRA PIZARNIK

ALEJANDRA PIZARNIK ALEJANDRA PIZARNIK Ô Seigneur la cage est devenue oiseau et s´est envolée et mon coeur est devenu fou il hurle à la mort et sourit à mes délires à l´insu du vent... Que ferai-je de ma peur? Que ferai-je de ma peur? La lumière de mon sourire ne danse plus les saisons ne brûlent plus les colombes de mes songes. Mes mains se sont dénudées et sont allées là où la mort enseigne à vivre aux morts. Ô Seigneur l´espace condamne mon être. Et derrière lui des monstres boivent mon sang C´est le désastre. C´est l´heure du vide sans vide, il est temps de verrouiller mes lèvres, d´écouter crier les condamnés, contempler chacun de mes noms suspendus dans le néant. Ô Seigneur jette les cercueils de mon sang... Je me souviens de mon enfance, lorsque j´étais vieille et que les fleurs mouraient entre mes mains car la danse sauvage de mon allégresse leur détruisait le coeur. Je me souviens des sombr

Jean Cocteau - Eve que fait-elle ?

Jean Cocteau - Eve que fait-elle ? Ils dirent : vous avez tant vécu, tant travaillé La gloire était un faux miroir à l’envers, Tout est remis à l’endroit dans le verre. Tout est pillé, souillé, raillé.             De nos amours rien ne reste. Si : l’amour. En manches de veste Le pendu fait des signes immobiles Le long des fuyantes automobiles.          Dessus, les gens mettent des matelas Contre le feu de l’apocalypse. Ces fuyards sont fous et sont las. Fausses dames, faux prélats, Tombant de ce ciel d’éclipse.             Ils tombaient comme massacre, Comme à l’époque des artistes. Car le vainqueur, pour son sacre, Se faisait précéder par des parachutistes.             Que tout soit fini lorsque C’était l’aurore de nos rêves, C’est à se demander si Eve Ne tirait pas le diable par la queue.

RENE CHAR - Allégeance

RENE CHAR - Allégeance Dans les rues de la ville, il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour : chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus qui, au juste, l'aima. Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir, puis, léger, l'éconduit. Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma liberté est son trésor ! Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, Ma solitude se creuse. Dans les rues de la ville, il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour : chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus qui, au juste, l'aima Et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas !

Boris Pasternak Poésie

BORIS  Pasternak  - in "Ma soeur la vie et autres poèmes" Définition de la poésie C'est un bruit de glaçons écrasés, c'est un cri, Sa strideur qui s'accroît et qui monte, C'est la feuille ou frémit le frisson de la nuit, Ce sont deux rossignols qui s'affrontent, C'est la suave touffeur d'une rame de pois, L'univers larmoyant dans ses cosses, Le jardin potager où Figaro s'abat En grêlons du pupitre et des flûtes. C'est cela qu'à tout prix retenir veut la nuit Dans les fonds ténébreux des baignades Pour porter une étoile au vivier dans les plis De ses paumes mouillées, frissonnantes. On étouffe, plus plat que les planches sur l'eau Et le ciel est enfoui sous une aune. Il siérait aux étoiles de rire aux éclats, Mais quel trou retiré que ce monde !

CATHY GARCIA - Serre Gorge

CATHY GARCIA - Serre Gorge La pluie laisse des copeaux au creux des abreuvoirs Les yeux des oiseaux le disent le ciel devient trop noir octobre enragé déchire les arbres cochés de rouge les crapauds pleurent sur la vieille margelle tu le sais jamais tu ne retourneras sur tes pas ou ceux d’un autre et ta main lasse s’entrouvre pour laisser couler la miellée les regrets se laissent compter un par un à ton serre-gorge tu sais le sang l’aube la fêlure du regard où s’engouffre la lumière et sur le trou sur le manque tu poses la première syllabe d’un nouveau cycle de sable tu sais tu sais la roue qui éparpille dissout tu sais l’alternance la vanité puis tu oublies et courbée sur l’enclume commences à forger ton prochain serre-gorge

GUILLEVIC - Art Poétique

GUILLEVIC - ART POETIQUE Écrire le poème C'est d'ici se donner un ailleurs Plus qu'ici auparavant. Un travail : créer De la tension Entre les mots. Faire que chacun En appelle un Ou plusieurs autres. Ils ne tiennent Pas tellement à venir De leur plein gré. Quand ils arrivent Ils sont arrimés Irrévocablement Par un silence Qui ne sera Jamais rompu.   Le poème Nous met au monde. Forcé d'écrire ? Je n'en ai pas envie. J'aimerais Rester là, immobile. À regarder le ciel, Il n'y a pas plus bleu. Et de temps en temps L'horizon et ses approches. Je voudrais Me passer des mots.

Jean-Philippe Salabreuil Les allures à la mort

Jean-Philippe Salabreuil Les allures à la mort Quel monde aux fumées de la pluie Les décombres du ciel et parfois Comme un soupçon de clair pays Là-haut sous la soie maigre sous la suie (La lampe qui est basse un passereau L'habite accroupi chante faux) Mais écoute en ces jours l'âme s'épuise À regravir la montagne du vieux printemps Le soleil vole et ses eaux luisent Dans la cendre des bords du temps Puis c'est la tombe à fleurs de terre Et les scabieuses d'une prière.                            * Entre les collets d'ombre et de la chaux feuillue Le grave lumignon s'absorbe dans un mur Et nul ne franchit plus les eaux qu'il eût fallu Franchir aux fins heureuses ô blanc murmure En l'air le ciel pourtant propage un chant Mouillé d'étoiles inondant par pans Le mont plus clair et cependant aride Et c'est alors on ne sait quoi