François Laur 1943 2016

" LE PÈSE-LETTRE

Sur ma table de travail, la chose pour moi la plus précieuse est ce pèse-lettre que l’on m’a offert, un noël. Jour après jour, j’expédie un courrier plutôt nombreux et varié, y compris hors de France, et goûte fort peu l’agrément de me rendre à la poste piétiner des demi-heures entières – dans une file de ronchons excédés par l’attente et sans aménité le faisant savoir, l’usager qui vous suit essayant de gagner une place, protestant de son arrivée antérieure à la vôtre, se glissant devant vous – pour atteindre le guichet, parvenir enfin à connaître le coût de l’affranchissement. Bien que mes lettres ou paquets légers ne demandent le plus souvent que vignettes banales (dès l’objet sur le plateau, le trait rouge le dit qui indique le poids) : de papier le bateau et d’encre le quai, voilà que peuvent aisément s’embarquer les mots en plis palpables pour des rivages où s’allument des feux, toucher des corps frémissants (ô fuyante plénitude dans l’épanoui de tes hanches qui affole les mains), flux lourds de sèves et de sangs proches ou lointains qui ondoient. Il arrive qu’au cadran marquant 0 face à la fenêtre courent des agneaux floconneux, se reflète le ciel, l’espace même que l’appareil ne pèse pas."

François Laur Juillet 2015

DANS LE VŒU DES REGARDS

D’où m’est venu ce désir de quêter, cet unique désir de m’adonner à ta recherche ? Toi, t’aimais-je avant de t’avoir vue, étais-tu déjà là parce que tu étais mon unique pensée, par chance toi la teneur de mes rêves ? Quelque heureux coup de dés t’avait-il inventée pour moi, à chaque fois vivante et fragmentaire, à chaque fois aussitôt dérobée, à chaque fois plus obsédante ? Je savais que, sans toi, exister me serait désastreux ; le monde, sylve équatoriale dont les branches grifferaient mes yeux, forêt puante humide obscure où j’essaierais de m’enfoncer pour esquiver toute clairière.

Et nous nous sommes parvenus. Tu n’étais pas copie de la chimère des hantises. C’était au bord d’un étang, tu venais d’y nager, tu consentais à sa lumière et avais construit ton jardin ta maison prêts à l’accueil sur le dévers, au beau milieu des ceps. L’eau, en surface, avait le bleu de tes iris, mais le fond luisait noir, du même noir que tes pupilles, de ce noir qu’est l’excès du réel sur tout traité des passions aussi bien que sur nos paroles où, constamment, foisonnent des appeaux, braises, bribes, brises et dérives.

François Laur

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