Ingeborg BACHMANN 1926 1973

DÉPART
De la terre monte une fumée.
La petite cabane de pêcheurs, ne la perd pas de vue,
car le soleil sombrera,
avant que tu n'aies couvert dix lieues.
Les eaux sombres aux mille regards,
ouvrent les paupières de leur blanche écume,
pour te regarder, longuement,
trente jours durant.
Même si le navire tangue dangereusement,
et prend des allures incertaines,
tiens-toi debout, calme, sur le pont.
Attablés, ils mangent à présent
le poisson fumé ;
puis les hommes se mettront à genoux
et rapiéceront les filets
pour laisser place au sommeil, la nuit,
une heure ou deux,
et leurs mains deviennent douces,
vierges de sel et d'huile,
douces comme le pain du rêve,
qu'elles rompent.
La première vague de la nuit frappe la rive,
la deuxième t'atteint déjà.
Mais si ton regard perçant se transporte de l'autre côté,
tu peux voir l'arbre encore,
qui, rétif, lève la branche
— le vent lui en a déjà coupé une
— et tu penses : combien de temps encore,
combien de temps encore
le bois noueux résistera-t-il aux orages ?
La terre n'est plus visible.
Tu aurais dû t'agripper d'une main au banc de sable
ou t'accrocher aux falaises à l'aide d'une boucle de tes cheveux.
Soufflant dans les coquillages, les monstres marins glissent
sur le dos des vagues, ils chevauchent et frappent,
sabres au clair, les jours en miettes, une tache rouge
reste visible dans l'eau, là où le sommeil te prend,
étendu sur le reste de tes heures,
et tes sens cessent d'être.
Alors voilà qu'on largue les amarres,
on t'appelle, et te voilà heureux
qu'on ait besoin de toi. Le meilleur,
c'est le travail sur les navires,
qui partent pour la haute mer,
nouer les cordages, pomper l'eau,
calfater les brèches et veiller sur la cargaison.
Le meilleur, c'est, à bout de fatigue, le soir,
s'affaler pour dormir. Le meilleur, c'est, au matin,
avec les premiers rayons, devenir lucide,
se tenir droit face au ciel immuable,
rester indifférent aux eaux impraticables,
et maintenir le navire au-dessus des flots,
dans l'éternel retour de la berge au soleil.


INGEBORG BACHMAN - Ausfahrt
( V.O.)
Vom Lande steigt Rauch auf.
Die kleine Fischerhütte behalt im Aug,
denn die Sonne wird sinken,
ehe du zehn Meilen zurückgelegt hast.
Das dunkle Wasser, tausendäugig,
schlägt die Wimper von weisser Gischt auf,
um dich anzusehen, gross und lang,
dreissig Tage lang.
Auch wenn das Schiff hart stampft,
und einen unsicheren Schritt tut,
steh ruhig auf Deck.
An den Tischen essen sie jetzt
den geräucherten Fisch;
dann werden die Männer hinknien
und die Netze flicken
aber nachts wird geschlafen,
eine Stunde oder zwei Stunden,
und ihre Hände werden weich sein,
frei von Salz und Öl,
weich wie das Brot des Traumes,
von dem sie brechen.
Die erste Welle der Nacht schlägt ans Ufer,
die zweite erreicht schon dich.
Aber wenn du scharf hinüberschaust,
kannst du den Baum noch sehen,
der trotzig den Arm hebt
- einen hat ihm der Wind schon abgeschlagen
- und du denkst: wie lange noch,
wie lange noch
wird das krumme Holz den Wettern standhalten?
Vom Land ist nichts mehr zu sehen.
Du hättest dich mit einer Hand in die Sandbank krallen
oder mit einer Locke an die Klippen heften sollen.
In die Muscheln blasend, gleiten die Ungeheuer des Meers
auf die Rücken der Wellen, sie reiten und schlagen
mit blanken Säbeln die Tage in Stücke, eine rote Spur
bleibt im Wasser, dort legt dich der Schlaf hin,
auf den Rest deiner Stunden,
und dir schwinden die Sinne.
Da ist etwas mit den Tauen geschehen,
man ruft dich, und du bist froh,
dass man dich braucht. Das Beste
ist die Arbeit auf den Schiffen,
die weithin fahren,
das Tauknüpfen, das Wasserschöpfen,
das Wändedichten und das Hüten der Fracht.
Das Beste ist, müde zu sein und am Abend
hinzufallen. Das Beste ist, am Morgen,
mit dem ersten Licht, hell zu werden,
gegen den unverrückbaren Himmel zu stehen,
der ungangbaren Wasser nicht zu achten,
und das Schiff über die Wellen zu heben,
auf das immerwiederkehrende Sonnenufer zu.
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