Boris Pasternak 1890 - 1960
BORIS PASTERNAK
Ma sœur la vie
et autres poèmes
Le
Commencement (1912/1914)
Tel un brasier sa
suie de bronze
Disséminant ses
hannetons,
Le jardin
s’assoupit, ses mondes
Fleuris face à mon
lumignon.
Je me convertis
comme à une
Foi toute neuve à
cette nuit
Où la bordure de la
lune
Se voile d’un
peuplier gris,
Où l’étang
dévoile un mystère,
Où le ressac du
pommier bruit,
Où le jardin, sur
pilotis,
Se suspend entre
ciel et terre.
REVE
En rêve je voyais
l’automne aux vitres sombres
Et mes amis et toi
dans leur joyeux essaim.
Comme un faucon du
ciel avec sa proie sanglante,
Mon cœur
redescendait se poser dans ta main.
Mais le temps
s’écoulait et vieillissait, exsangue,
Argentant les
châssis de ses riches brocarts.
Et, baignant les
carreaux de ses larmes sanglantes,
Septembre se levait
et traversait le parc.
Mais le temps
s’écoulait et vieillissait. Friables
Comme la glace
craquaient les bergères de soie,
Quand, sonore,
soudain se brisa ta parole
Et, comme un
carillon, s’interrompit ta voix.
Alors je m’éveillai.
L’aube avait la grisaille
De l’automne, et
le vent emportait sur son aile,
Comme un chariot qui
suit une averse de paille,
Les bouleaux alignés
qui couraient sur le ciel.
FESTINS
Je bois la tubéreuse
amère et l’amertume
Des cieux d’automne
et de tes trahisons,
Des soirs, des
nuits, des assemblées nocturnes,
Votre amertume
humide, ô strophes-pâmoisons.
Suppôts des
ateliers, nous déclarons la guerre
Au pain quotidien,
n’aimant que les banquets.
Le vent inquiet des
nuits est l’échanson des verres
Bus à ce qui
peut-être n’adviendra jamais.
Hérédité et mort
ont part à nos agapes
Et quand l’aube
rougit les arbres par le haut,
L’anapeste-souris
furète sur la nappe
Et Cendrillon,
pressée, reprend ses oripeaux.
Le sol est balayé,
époussetés les restes,
Le vers est apaisé
comme un baiser d’enfant,
Et Cendrillon
s’enfuit, en fiacre les jours fastes,
Quand elle est sans
le sou – à pied tout simplement
NUIT D HIVER
(…)
Le trottoir
raboteux. La neige ravinée.
Les bouteilles
gelées des glaçons noirs et nus.
Et sur la cheminée
l’insociable fumée,
Toute en plumes,
paraît perchée comme un hibou.
Par-dessus les
obstacles
PETERSBOURG
Tireur qui mouche
une chandelle ou plante
Une autre balle en
plein dans la première,
Ainsi cette rafale
crépitante
De rives et de rues
que vida Pierre…
Qu’il était
grand ! Et quel réseau de spasmes
Couvrit ses joues de
métal quand montaient
Aux yeux du tsar,
les remplissant de larmes,
Les laisses de la
mer et les jonchaies,
Et lui serraient la
gorge, nostalgie,
Les flots de la
Baltique, et qu’en délire
Il présentait le
pays au pays,
Au royaume des tsars
le grans Empire !
L’inspiration
n’attend pas. Marécage,
Mer, terre ou
mare, c’est sans importance :
Un rêve ici
m’est venu qui m’engage
A lui régler son
compte en toute urgence .
(...)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Pasternak
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