Vu les sept derniers jours
Marta Rivera-Garrido
Paul Eluard - Tout dire
Tout dire Le tout est de tout dire, et je manque de mots Et je manque de temps, et je manque d'audace Je rêve et je dévide au hasard mes images J'ai mal vécu, et mal appris à parler clair. Tout dire les roches, la route et les pavés Les rues et leurs passants les champs et les bergers Le duvet du printemps la rouille de l'hiver Le froid et la chaleur composant un seul fruit Je veux montrer la foule et chaque homme en détail Avec ce qui l'anime et qui le désespère Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire Son espoir et son sang son histoire et sa peine Je veux montrer la foule immense divisée La foule cloisonnée comme un cimetière Et la foule plus forte que son ombre impure Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres La famille des mains, la famille des feuilles Et l'animal errant sans personnalité Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles La justice debout le pouvoir bien planté Paul Eluard
Ode à la vague - Pablo Neruda
Eugène Guillevic 1907 - 1997
Poésie ininterrompue - Eluard
Coup de foudre - Wislawa Szymborska
Coup de foudre Ils sont tous deux convaincus d’être unis par un sentiment inattendu. C’est beau, une telle certitude mais l’incertitude est plus belle encore. Ils ne se connaissaient pas avant, et ils croient qu’il ne s’est jamais rien passé entre eux. Mais qu’en pensent les routes, les marches, les couloirs, où depuis longtemps ils pouvaient se croiser? Je voudrais leur demander s’ils se souviennent – d’un face à face, un jour peut-être dans une porte à tambour? un « excusez-moi » dans la foule? un « vous avez fait un faux numéro » dans le combiné? – mais je connais la réponse. Non, ils ne se souviennent pas. Ils seraient très surpris d’apprendre que depuis longtemps déjà le hasard jouait avec eux. Pas encore tout à fait prêt à se changer en destin, il les rapprochait, les éloignait, leur coupait la route et, étouffant un petit rire, s’écartait d’un bond. Il y eut des signes, des signaux, indéchiffrables, mais peu importe. Il y a tr...
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928 Je doute que le véritable amour comporte du désir, de la ferveur, de la passion. Je ne doute pas qu'il ne puisse : NAÎTRE que d'une disposition à approuver quoi que ce soit, puis d'un abandon amical au hasard; ou aux usages du monde, pour vous conduire à telles ou telles rencontres ; VIVRE que d'une application extrême dans chacune de ces rencontres à ne pas gêner l'objet de vos regards et à laisser vivre comme s'il ne vous avait jamais rencontré ; SE SATISFAIRE que d'une approbation aussi secrète qu'absolue, d'une adaptation si totale et si détaillée que vos paroles à jamais traitent tout le monde comme le traite cet objet par la place qu'il occupe, ses ressemblances, ses différences, toutes ses qualités ; MOURIR enfin que par l'effet prolongé de cet effacement, de cette disparition complète à ses yeux - et par l'effet aussi de l'abando...
Paul Eluard 1895 - 1952.
Pierre REVERDY Toi ou moi
Pierre REVERDY Toi ou moi Endormi dans cette chambre Il n’ose se réveiller La peur ferme son rêve noir Et ses membres Ne peuvent plus le soutenir Je t’abandonne il faut partir Si l’on n’aime bien que soi-même Je te laisse parce que je t’aime Et qu’il faut encore marcher Un jour nous nous retrouverons peut-être Où se croisent les souvenirs Où repassent les histoires d’autrefois Alors tu reviendras vers moi Nous pourrons rire Un espoir à peine indiqué Sous le vent une plainte amère La voix qui pourrait me guider A mon approche va se taire Dans la rue bordée de chansons Qui jaillissaient par les fenêtres Au coin des dernières maisons Nous nous regardions disparaître In Sources du vent. Gallimard, 1971. (Poésie).
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