Réflexion... Georges de Rivas

De la poésie

Extraits  du message de Georges de Rivas à Silvaine Arabo
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"Est-ce une "maladie française" que de vivre cette étrange dissociation entre le cœur et la raison et de ne pas saisir l'importance de la "matière-émotion" (René Char) dans la création poétique ? Beaucoup de grands poètes en ont pâti et ont dû s'insurger contre ce rejet de l'émotion qui est l'aiguillon, voire la source de l'inspiration lyrique. Hugo, Baudelaire, Leconte de Lisle et bien d'autres, notamment Saint-John Perse, recevant d'André Malraux un Prix et déclarant "La France ne lui a été toujours favorable" ( à la poésie). Du reste il est toujours aussi peu lu et surtout rejeté par les institutions culturelles. Ainsi dans ma ville (où il a fini ses jours) la médiathèque qui portait son nom a été débaptisée. La dénomination "Saint-John Perse" a été accordée à la médiathèque en janvier 2013, lors de son inauguration en présence de l'extraordinaire photographe Lucien Clergue .... Derrière tout cela (...) se cache la haine viscérale à l'encontre du haut lyrisme et l'incompréhension de son essence et de sa vocation : les émotions qui traversent l'âme du poète sont les émotions de l'univers, les profonds sentiments qui unissent l'homme et le cosmos.... Ce qui vit dans l'âme du poète, ce qui le traverse, c'est cette intuition de l'unité et de la communion de l'âme humaine à l'âme du monde... Et de cette perte du lien avec l'âme du monde, nous subissons les terribles conséquences (dérèglements climatiques, frénésie consumériste, destruction du principe inhérent à tout essor véritable d'une civilisation : l'Amour qui est la vocation profonde de l'Homme et de la Terre) (...).
C'est l'épopée lyrique de la langue, elle- même tissée de la lumière primordiale, qui fonde et salue l'avènement de la grande poésie, l'affleurement de l'âme inspirée qui aura bu aux sources originelles, intemporelles, de la création poétique où poésie et musique surgissent, résonnent et se répondent en de longs échos et d'infinies nuances inchoatives.... Réverbérations et réminiscences de cette "musique des sphères" que traverse le songe prénatal instillé de sons de cristal, de génies comme Bach, Mozart ou Beethoven. La musique, comme la poésie, commence dans le cœur, lorsque le cœur se met  à vibrer avant que de penser. Le toucher de l"âme, vibration  et réverbération du son primordial est le commencement et la finalité de l'inspiration poétique de pure essence orphique. Il est significatif que l'une des acceptions étymologiques du nom d'Eurydice - en grec - soit "Grande Justice" Car il y a bien un ordonnancement cosmique avéré et de cette vérité Novalis, le poète de l'idéalisme magique, s'est fait l'écho et le héraut : "L'amour est le commencement et la fin de l'histoire du monde, l'amen de l'univers" ; ce qu"il y a  ici de plus grave, c'est que tous ces contempteurs du haut lyrique ne parlent du fond de leur abîme mental que d'eux-mêmes, et pour cause, ils ne sont d'aucune manière traversés par ces émotions où l'histoire tragique et la mémoire cosmique trouvent leur point de convergence dans l'âme réceptive, contemplative, du poète où vient à fulgurer le sens spirituel de l'existence. C'est là l'essence même du mystère orphique : Orphée toujours en quête de son Eurydice, sa part divine éternelle, la source de son inspiration poétique, cet éclat de la Beauté entre la chair et la lumière, qui est cette présence très pure de l'Eternel Féminin, source de toute ouverture au monde, principe vital et ineffable de tout enfantement physiologique ou de la création spirituelle. Le poète orphique, où se réverbère le verbe originel, qui chante" le vert paradis de l'enfance retrouvée", est celui qui se souvient de tout ce qui doit advenir. Sa voix-lyre est son âme ouverte à la plénitude et à l'infinitude du mystère uni-vers, elle est présence-éclair du Je éternel dans le jeu historique, présence du devenir dans le cours vivant de la parole poétique dont fut tissé le monde originel et sera tissée la Terre du futur. Eurydice, qui signifie "Grande Justice", reviendra de l'enfer où l'ont confinée les séides d'une vision matérialiste du monde, aveugles qui ne perçoivent pas l'immanente transcendance présente dans la poésie, qui de toute éternité est d'essence et de vocation lyrique : elle chante l'union du visible et de l'invisible, la communion spirituelle des âmes, le lien éternel, indéfectible de l'Homme, de la Nature et du Cosmos... et la présence-absence d'Eurydice, étoile immarcescible de l'amour qui précède en vérité Orphée sur la voix de la co-naissance : la Poésie... Eurydice, plus que jamais vivante, Eurydice en l'outre-mort, principe de résurrection de l'âme...(...)"

                              Georges de Rivas

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