Joachim du Bellay 1522 - 1560
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
XXXI
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau
voyage
Ou
comme celui-là qui conquit la toison
Et
puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre
entre ses parents le reste de son âge !
Quand
reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer
la cheminée et en quelle saison
Reverrai-je
le clos de ma pauvre maison
Qui
m'est une province et beaucoup davantage?
Plus
me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux
Que
des palais romains le front audacieux ;
Plus
que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,
Plus
mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus
mon petit Liré que le mont Palatin
Et
plus que l'air marin la douceur angevine.
in Les Regrets
XXXIX
J’aime la liberté, et languis en service,
Je
n’aime point la cour, et me faut courtiser,
Je
n’aime la feintise, et me faut déguiser,
J’aime simplicité, et n’apprends que malice :
Je
n’adore les biens, et sers à l’avarice,
Je
n’aime les honneurs, et me les faut priser,
Je
veux garder ma foi, et me la faut briser,
Je
cherche la vertu, et ne trouve que vice :
Je
cherche le repos, et trouver ne le puis,
J’embrasse
le plaisir, et n’éprouve qu’ennuis,
Je
n’aime à discourir, en raison je me fonde :
J’ai
le corps maladif, et me faut voyager,
Je
suis né pour la Muse, on me fait ménager :
Ne
suis-je pas, Morel, le plus chétif de monde?
in Les Regrets
XXVI
La nuit m’est courte, et le jour trop me
dure.
Je
fuis l’amour, et le suis à la trace.
Cruel
me suis, et requiers votre grâce.
Je
prends plaisir au tourment que j’endure.
Je
vois mon bien, et mon mal je procure.
Désir
m’enflamme, et Crainte me rend glace.
Je
veux courir, et jamais ne déplace.
L’obscur
m’est clair, et la lumière obscure.
Vôtre
je suis et ne puis être mien,
Mon
corps est libre, et d’un étroit lien
Je
sens mon cœur en prison retenu.
Obtenir
veux, et ne puis requérir,
Ainsi
me blesse, et ne me veut guérir
Ce
vieil enfant, aveugle archer, et nu.
in L'Olive
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/joachim_du_bellay/joachim_du_bellay.html
http://www.pierdelune.com/bellay.htm
http://www.poetica.fr/categories/joachim-du-bellay/
Du Bellay, Les Regrets, sonnet 68
Je hais du Florentin l’usurière avarice,
Je hais du fol Siennois le sens mal arrêté,
Je hais du Genevois la rare vérité,
Et du Venitien la trop caute malice :
Je hais le Ferrarois pour je ne sais quel vice,
Je hais tous les Lombards pour l’infidélité,
Le fier Napolitain pour sa grand’ vanité,
Et le poltron Romain pour son peu d’exercice :
Je hais l’Anglais mutin, et le brave Ecossais,
Le traître Bourguignon, et l’indiscret Français,
Le superbe Espagnol, et l’ivrogne Thudesque :
Bref, je hais quelque vice en chaque nation,
Je hais moi même encor’ mon imperfection,
Mais je hais par sur tout un savoir pédantesque.
La poétique de Du Bellay dans Les Regrets
http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article609
http://www.alalettre.com/du-bellay.php
https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Joachim_du_Bellay
https://fr.wikipedia.org/wiki/Joachim_Du_Bellay
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