Daniel Biga





" Ecoute
sens ton coeur battre
et tu n'auras plus jamais mal"
in Oiseaux mohicans
 

"Je marche dans l'instant mais je me souviens je marche dans l'instant mais j'espère JE NE SAIS PAS MARCHER DANS L'INSTANT ! je marche dans le soleil mais hier il a plu je marche dans le soleil mais demain sera froid je m'inquiète et je marche déjà demain et je suis furieux car je ne sais pas marcher dans le soleil d'aujourd'hui " in Octobre (journal 1968)

"La vie est presque trop riche. Et nous sommes presque trop riches avec nos destins comme dans une table en marqueterie, insérés les uns près des autres, aventuriers et philosophes. Que sont les hommes pour la mer? Que sont les hommes pour les millénaires? Pourtant pas un jour sans une ligne, pas un jour sans une ligne"
in Pas un jour sans une ligne

"heureux celui qui passe de pas à passage"
in Sur le pas de sa porte (Stations du chemin)
 

http://www.claude-ber.org/Daniel-BIGA_a315.html

EXTRAITS D'OUVRAGES


EXTRAITS D'ALIMENTATION GÉNÉRALE


POURQUOI


…les sources recoulent-elles
quand le monde est en danger ?
pourquoi élaguer un orme énorme ?
pourquoi Tahar a-t-il peur en enfonçant sa main
toute entière dans le trou sur la berge du fleuve ?
pourquoi sur de longues tiges d’herbe
les fourmis font-elles leurs Tarzanes ?
pourquoi aimons-nous l’eau claire
dans un verre transparent ?
pourquoi faut-il méditer ? ou au moins écrire ?
pourquoi faut-il lire Arno Schmidt et Tarjei Vesaas
et André Dhôtel et Aaron Shabtaï… et…
(pourquoi les noms s’effacent-ils de ma mémoire ?)
quand ? tant qu’il est temps


ces questions essentielles superficielles
et tant d’autres ALIMENTATION GÉNÉRALE tente de poser
sinon de répondre




ORAGE


orage dans les collines
l’été à peine entamé ça finit
dans un passé qui se rapproche


ce soir encore mal aux lombes
démonté une pauvre armoire de défunte
à transformer en bois de chauffage
à moins que ce ne soit d’échafaudage
- ou de potence


rhus tox plus arnica montana 7 ou 9 ch
massage à quelque huile essentielle
peur de ne pas se lever au matin


la vieillesse ne laisse rien (dé)passer
du passé



TOUS CES PETITS


tous ces petits visages ridés froncés préoccupés
ces masques crispés ces loups noirs ces guignols
alors que l’être est lumière ouverte
phare universel
chauffage central permanent
alors que l’œil unique est le luminaire du monde
lampe des tempêtes et apaisements
- guignols figés sur nos masques et grimaces
méchants agressifs que nous est-il arrivé ?
aveugles ou presque sourdingues
bien mal-entendants dingues (ou presque)
que nous sommes advenus ?



VOIX ET VOIES


je n’ai jamais appris à rire
(si Belle en couleurs quand j’essaie je m’asphyxie)


m’a-t-on appris à prier ? à chanter ? à danser ?
en coïncidence rien du tout toux du rien


un tourbillon d’oiseaux creuse l’espace
vrai volume vide propriété sans borne


alors j’ai inventé mon patois voix
et/ou voies du poème mon dialecte
(ma poésie patois païgran)


naturlicht mon françouze language
mon charabia pataugas il n’est pas zucculent


pourtant pâquerettes en bord
dure de grand totoroute l’ignoble place vôtre
vous l’occupez noblement


soyez remerciées ô gracieuses




LES LIVRES QUI DORMENT


les livres qui dorment sur leurs étagères
(comme une assurance contre la vie)
essentiel de les avoir posés ici ceux-là
aussi essentiel sans doute de ne pas les lire
(comme une assurance sur la mort)
ou alors bien rarement


montagne : brisure de miroir
au mur de bergerie perdue
un vieux partisan y rase soigneusement
son non-visage
o partigiano porta mi via che mi voglio di morir



ALIMENTATION


la couleuvre poursuit le lézard lambert
oh ! ils jouent t’exclames-tu
oui ils jouent et celui qui gagne
bouffe l’autre



QUI RASE QUI ?


chaque matin dans le miroir je me rase
(mon dieu que c’est barbant !)
le visage de mon père m’y regarde
comme je l’observe moi-même
je connais les cicatrices de vie
sur son visage devenu le mien


chaque matin découvre le monde


chaque geste que l’image de mon père
dans le miroir fait ceci n’est pas une pipe
je le refais aussitôt
à moins que ce ne soit mon geste
que mon père reproduit ou moi
qui reproduis le sien à la seconde même
et que je sois moi de l’autre côté du miroir
est-ce ta barbe bleue de barbelés
tes poils rudes que la lame attaque ?
tu me possèdes disent tes yeux
fouillent moi en toi toi en moi
mousse le savon à barbe
le blaireau l’étale sur
l’image du père
vieux sanglier solitaire
sa peau âgée usée
ses rides ses cicatrices ses ravines
la mousse blanche et onctueuse


sur son reflet sur le mien
lis la peur des vieillards
la peur unique de tous


mousse le savon à barbe
glisse la lame sur la peau rêche



PRUNES


je l’ai secoué comme un prunier (qu’il était)
j’ai remplacé dans la glacière
les prunes dont William Carlos s’était régalé
(je n’ai pas laissé de mot à sa femme)
j’ai gardé les autres
ALIMENTATION GÉNÉRALE n° 23
(tout ça pour des prunes ! même pas un panier !
même pas une poignée de figues sèches !)
et je m’en suis retourné
via nos chemins de Patterson
en mille neuf cent 33



CHEZ MADAME BLANC DE COLLONGUES


…il y a bien des années des décennies


chez Madame Blanc de Collongues
dans sa cuisine sombre en son minuscule village
dans l’immense montagne nous sommes restés
une longue après-midi des plus belles de ma vie


le poêle ronflait bûche après bûche
buvant du chocolat ou du café très chaud


nous n’avions rien à dire
le soir lent remplissait la cuisine
dehors le village la montagne
soit le reste du monde


enfin Monsieur Blanc le Forestier est rentré


quelqu’un a allumé l’électricité
- à contre-cœur m’a-t-il semblé

http://www.poemes.co/daniel-biga.html

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