Tout dire Le tout est de tout dire, et je manque de mots Et je manque de temps, et je manque d'audace Je rêve et je dévide au hasard mes images J'ai mal vécu, et mal appris à parler clair. Tout dire les roches, la route et les pavés Les rues et leurs passants les champs et les bergers Le duvet du printemps la rouille de l'hiver Le froid et la chaleur composant un seul fruit Je veux montrer la foule et chaque homme en détail Avec ce qui l'anime et qui le désespère Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire Son espoir et son sang son histoire et sa peine Je veux montrer la foule immense divisée La foule cloisonnée comme un cimetière Et la foule plus forte que son ombre impure Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres La famille des mains, la famille des feuilles Et l'animal errant sans personnalité Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles La justice debout le pouvoir bien planté Paul Eluard
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928 Je doute que le véritable amour comporte du désir, de la ferveur, de la passion. Je ne doute pas qu'il ne puisse : NAÎTRE que d'une disposition à approuver quoi que ce soit, puis d'un abandon amical au hasard; ou aux usages du monde, pour vous conduire à telles ou telles rencontres ; VIVRE que d'une application extrême dans chacune de ces rencontres à ne pas gêner l'objet de vos regards et à laisser vivre comme s'il ne vous avait jamais rencontré ; SE SATISFAIRE que d'une approbation aussi secrète qu'absolue, d'une adaptation si totale et si détaillée que vos paroles à jamais traitent tout le monde comme le traite cet objet par la place qu'il occupe, ses ressemblances, ses différences, toutes ses qualités ; MOURIR enfin que par l'effet prolongé de cet effacement, de cette disparition complète à ses yeux - et par l'effet aussi de l'abando...
http://www.lexpress.fr/culture/livre/la-vie-en-jeu-une-biographie-de-vladimir-maiakovski_929844.html Le 14 avril 1930, à l'âge de 36 ans, Vladimir Maïakovski, le poète de la révolution, se suicidait d'une balle dans la poitrine dans un studio moscovite du passage de la Loubianka. Il paraît alors très loin le temps où l'auteur du Nuage en pantalon écrivait : "Votre pensée/Rêvant dans votre cerveau ramolli/Comme un laquais repu se vautre au gras du lit/Je la taquinerai sur un morceau de coeur sanglant/J'en rirai tout mon soûl, insolent et sanglant." Il paraît très loin le temps où le jeune homme "gâté par l'avenir" (Pasternak), le colosse de 1,90 mètre aux dents noircies par la nicotine (fumant jusqu'à 100 cigarettes par jour), phobique et hypocondriaque, se faisait le porte-parole du futurisme dans un milieu artistique en pleine effervescence. Il paraît très loin le temps où, avec son grand amour Lili Brik et la soeur de celle...
GEORGES PERROS MARINES Toi qui dans la halte d’une journée peut-être difficile As choisi de lire Plutôt que d’écouter, ou de voir N’as-tu pas la télévision Je veux que ce soit donc par amour De ce pays à l’extrême-ouest de l’Europe De cette Europe fatiguée Dans les restes prestigieux de laquelle Les hommes se tuméfient Se heurtent, se font mal Comme papillons en folie Que menace l’obscurité Les lampes du bonheur d’être homme S’éteignent une à une Soufflées par le mauvais vent de la mort D’une mort que nous ne voulons pas Puisque nous respirons toujours Puisque nous avons des amis Avec lesquels ne pas tuer le temps Cet immortel Mais le fondre A la chaleur humaine Puisque les femmes nous sont toujours désirables Et qu’avec elles pas mal d’entre nous Faisons encore des enfants A tout le moins européens Pourquoi ce deuil prématuré ? Je t’invite à te recueillir A t’introduire A l’intérieur de cette région en toi Restée vierge Cette région de confidence indicible Que le rêv...
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