Tout dire Le tout est de tout dire, et je manque de mots Et je manque de temps, et je manque d'audace Je rêve et je dévide au hasard mes images J'ai mal vécu, et mal appris à parler clair. Tout dire les roches, la route et les pavés Les rues et leurs passants les champs et les bergers Le duvet du printemps la rouille de l'hiver Le froid et la chaleur composant un seul fruit Je veux montrer la foule et chaque homme en détail Avec ce qui l'anime et qui le désespère Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire Son espoir et son sang son histoire et sa peine Je veux montrer la foule immense divisée La foule cloisonnée comme un cimetière Et la foule plus forte que son ombre impure Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres La famille des mains, la famille des feuilles Et l'animal errant sans personnalité Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles La justice debout le pouvoir bien planté Paul Eluard
Poésie ininterrompue Allez donc pleurer ou rire Dans ce monde de buvard Prendre forme dans l’informe Prendre empreinte dans le flou Prendre sens dans l’insensé Dans ce monde sans espoir Si nous montions d’un degré Eluard
Et ce sang qui devait un jour sur le Calvaire … Même les mécréants ne peuvent qu'être bouleversés par la grâce des vers du grand Charles Péguy « Les solives du toit faisaient comme un arceau. Les rayons du soleil baignaient la tête blonde. Tout était pur alors et le maître du monde Était un jeune enfant dans un pauvre berceau. Chaque poutre du toit était comme un vousseau. Les ombres de la nuit baignaient la tête ronde. Tout était juste alors et le maître du monde Était un jeune enfant sous un maigre cerceau. Et ce sang qui devait un jour sur le calvaire Tomber comme une ardente et tragique rosée N’était dans cette heureuse et paisible misère Qu’un filet transparent sous la lèvre rosée. Et ce sang qui devait un jour sur le calvaire Tomber comme une tiède et féconde rosée N’était dans cette auberge et dans cette chaumi...
http://theblogofgab.blogspot.fr/p/blog-page_1093.html http://theblogofgab.blogspot.fr/2016/02/fabrication-de-la-revue-comme-en-poesie.html LE LABORATOIRE La pièce est blanche, vide, livide Des rats dansent dans les coins Perroquets d’une averse de cris Ils montrent d’une queue bizarre La table de ferme en noyer de bazar. Quand il entre, le poète d’aujourd’hui Laisse à la porte un parapluie plié. Il aurait plu croit-il dans sa tête Pour mouiller ses rêves d’une chiquenaude. Il s’assied à la table, déplie le journal, Retire les feuilles qui entourent son cœur Taille son crayon de traitement de texte Il a modernisé son crayon de papier Le ciel est bleu par la fenêtre à guillotine On peut voir sa muse empalée sur un pic Son horizon s’éclaire après la haie haute D’un amoureux du verbe qui a pété les plombs. Des milliers de livres s’empilent dans ses poches Abrutis de tant de générations écrites En toute confiance dans la pureté des livres De ceux qui s’aiment en...
ROGER-ARNOULD RIVIERE (1930~1959) Poème de la cassure Je sais la cassure du petit matin, l’aplomb brutal de midi, la sournoise inversion du soir Je sais le vertigineux à-pic de la nuit et l’accablante horizontalité du jour Je sais les hauts et les bas, les hauts d’où l’on retombe à coup sûr, les bas dont on ne se relève pas Je sais que le chemin de la douleur n’a de stations qu’en nombre limité Je sais le souffle haché, le souffle coupé, l’haleine fétide, les effluves d’air cru et les émanations du gaz de ville Je sais les étreintes vides, la semence crachée par dépit sur la porcelaine Je sais la face du mot qui vous sera renvoyée comme une gifle Je sais que l’amitié et l’amour n’ont pas d’aubier Je sais que les amarres rompues, le cou brisé, la semelle usée ont pour commun dénominateur la corde Je sa...
Coup de foudre Ils sont tous deux convaincus d’être unis par un sentiment inattendu. C’est beau, une telle certitude mais l’incertitude est plus belle encore. Ils ne se connaissaient pas avant, et ils croient qu’il ne s’est jamais rien passé entre eux. Mais qu’en pensent les routes, les marches, les couloirs, où depuis longtemps ils pouvaient se croiser? Je voudrais leur demander s’ils se souviennent – d’un face à face, un jour peut-être dans une porte à tambour? un « excusez-moi » dans la foule? un « vous avez fait un faux numéro » dans le combiné? – mais je connais la réponse. Non, ils ne se souviennent pas. Ils seraient très surpris d’apprendre que depuis longtemps déjà le hasard jouait avec eux. Pas encore tout à fait prêt à se changer en destin, il les rapprochait, les éloignait, leur coupait la route et, étouffant un petit rire, s’écartait d’un bond. Il y eut des signes, des signaux, indéchiffrables, mais peu importe. Il y a tr...
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