Judith Gautier 1845 - 1917


Judith Gautier (1845 - 1917)
Fille de Théophile Gautier et d'Ernesta Grisi, fut une célèbre femme de lettres française, née à Paris le 25 août 1845 et décédée le 26 décembre 1917. Elle est inhumée à Dinard dans le quartier de Saint-Énogat, lieu de sa maison, « Le pré aux oiseaux. »
Théophile Gautier dira d’elle : « C'est le plus parfait de mes poèmes ».
Judith Gautier rencontre le Japon et sa littérature comme sa peinture, pour la première fois, lors de l’exposition universelle de Londres en 1862 où elle va avec son père.
Elle tient un salon littéraire où japonais et chinois sont souvent présents et font découvrir leur littérature. En 1882, le peintre japonais Hosui Yamamoto fera le portrait de Judith Gautier, premier portrait d’une européenne, et tableau célèbre au Japon. Proche de Mallarmé, qui aime la poésie japonaise, elle va traduire du japonais en 1885 le recueil de poèmes « Les poèmes de la libellule », après avoir été initiée aux langues orientales et notamment le chinois, avec « Le Livre de Jade », recueil de poèmes chinois anciens (1867), traduit aussi par elle sous le pseudonyme de Judith Walter, remanié et publié à nouveau dans les années 1900.
Dans Les poèmes de la libellule, elle sera capable de respecter le rythme syllabique de la poésie japonaise.
Elle a donc publié le premier tanka en langue française.  Dans "Poèmes de la Libellule". Illustré par Yamanoto. Paris, Gillot, 1885.
                                    Édition originale tirée sur papier du Japon. Envoi autographe de l'auteur :
« POUR REMY DE GOURMONT »

« A toi je l'adresse
Cette branche aux tendres fleurs :
Seul qui sait l'ivresse
Des parfums et des couleurs
En mérite la caresse. »
« O coucou des bois
Chante encore ! et qu'un mirage
Créé par ta voix,
Sonne au bois de mon vieil âge
L'ardent minuit d'autrefois. »

Histoire du tanka


Principes - Patrick Simon

Principes du tanka

Hisayoshi Nagashima, co-fondateur de la Revue du tanka international, créée en octobre 1953 avec Jehanne Grandjean, écrivait ceci à propos du tanka : " Le mot Tanka signifie poème court. Il se compose de 5 vers alternés de 5, 7, 5, 7, 7 syllabes, soit un tout de 31 syllabes. Ceci est sa particularité… Autrement dit cette forme est faite pour exprimer ce sentiment momentané mais qui peut être profond, philosophique ou douloureux…. Les mots qui le composent doivent être musicaux… "

Et pour accéder à l’écriture du tanka, nous nous réfèrerons à Fujiwara no Teika (1162 – 1241) qui prônait la réintroduction du lyrisme dans la poésie. Selon lui, " Sens et expression seraient comme les deux ailes d’un oiseau. " De sorte qu’un des principes forts du tanka réside dans la juxtaposition entre deux éléments. D’une part, la réalité du monde dans lequel nous vivons, attentifs à lui, à travers la vue, l’ouïe, l’odorat et le toucher. D’autre part les sentiments que cela nous inspirent.

Maxianne Berger, auteure contemporaine précise : " Traditionnellement, le tanka est plus personnel que le haïku, on considère d’avantage le sentiment, l’état et le statut du poète en tant qu’être humain… La beauté de la nature et les soucis du cœur humain – l’amour, la mort, et l’existence dans l’immensité de l’univers. Pour la partie " nature " la description est plus précise, concrète. Elle porte sur ce que l’on peut percevoir. Quant aux soucis, ils sont plus abstraits, émotifs, sentimentaux, et portent sur ce que l’on ressent intérieurement."

De fait, écrire cinq vers de 31 syllabes ne suffit pas. La forme et le style ont leur importance et plus encore le sens, comme le soulignait Teika. C’est apprendre à se servir des résonances, des allitérations, c’est donner une " couleur " au poème.
Maxianne Berger rajoute que c’est " la juxtaposition d’une image concrète ou d’une action qui amène le lecteur vers l’abstraction d’un sentiment et lui éclaire les préoccupations du poète… Le poème, empruntant une syntaxe sans grammaire obligatoire, se compose de fragments, même disparates, d’images et de sentiments. Les troisième ou quatrième vers peuvent fonctionner comme pivot, rejoignant de façon elliptique ce qui précède à ce qui suit. Le tout, cependant, réussit à suggérer une épiphanie de la nature humaine sans mentionner son nom abstrait, à synthétiser une vérité qu’on peut sentir sans pouvoir la saisir autrement. "

Et la modernité du tanka, nous la devons notamment à une femme, Tawara Machi pour qui le tanka est lié à la vigueur de l'instant, en y insufflant une sensibilité en phase avec la modernité urbaine. Elle écrira de sa poésie : " A travers un rythme régulier, les mots commencent à s'ébattre pleins de vie, à répandre un éclat énigmatique. C'est ce moment que j'aime. "
Patrick Simon
Directeur de la Revue du tanka francophone.

Le tanka est un poème construit en deux parties, la seconde venant conforter la première. Un tanka soucieux du respect des règles originelles doit ainsi marquer une légère pause entre les deux et ne traiter que d'un seul sujet à la fois. Il peut questionner mais ne donne aucune réponse. Le tanka est basé sur l'observation, non sur la réflexion. Il doit être un ressenti sincère et vécu, non imaginé. La première partie est traditionnellement un tercet de 17 mores d'une structure 5-7-5 (devenu plus tard haïku) appelé kami-no-ku (上の句), et la deuxième un distique de 14 mores de structure 7-7 appelé shimo-no-ku (下の句)1. Il arrive cependant que la première partie soit le distique et la deuxième le tercet.
La première montre une image naturelle, tandis que la seconde peut éventuellement exprimer des sentiments humains ressentis, liés au sujet précédent, sans que cela soit une règle absolue. Au Japon, la règle interdit également d'utiliser des mots d'origine chinoise [réf. nécessaire]. La pratique du tanka était réservée à la Cour impériale, et toute personne de rang inférieur surprise en train de pratiquer le tanka était condamnée à mort. Cela explique le succès populaire du haïku, beaucoup moins strict.
L'apparente simplicité des thèmes observés donne au tanka toute sa légèreté et son caractère universel. Contrairement au haiku, le tanka est une forme chantée.

exemples

« Deux petites mains Plantent trois graines de farfugiome,elles sont impatientes de voir passer les saisons.»
« Plume légère
Là détachée de l’oiseau
Posée sur le vent
À l’encre me rappelle
Que je ne crie point »
Liam
« Les arbres eux‑mêmes
Qui, pourtant ne demandent rien,
Ont frères et sœurs.
Quelle tristesse est la mienne
De n'être qu'un enfant unique ! »
Ichihara
« Telle une feuille
Qui, là, de l'arbre tombe
Chantant le vide
Que sont les certitudes
À l'orée de l'automne ? »
Liam
« Et ronde lune
Riant du bout des doigts
Secrète le jour
Qui de mes mains s’écoule
Tel un chant de rivière »
Liam
Note : la rythmique de 5-7 n'est pas respectée dans ces exemples traduits littéralement du japonais.


Certains poètes catalans et suisses ont pratiqué cette forme poétique. La syllabe s'y substitue alors à la more. Voici deux exemples, l'un en traduction française et l'autre en langue originale :
« L'éclat le plus clair
traverse les cloisons, les meubles,
vieilles chaises de canne
de jonc, de prémonitions,
sans pénétrer le mystère. »
Pere Gomila

« Le chant de l'horloge
se mêle au chant des aiguilles.
Mina, tricotant,

est assise à la fenêtre,
dans son regard les saisons. »
Markus Hediger, Ne retournez pas la pierre (1996).

En France, Jehanne Grandjean a introduit le tanka après la guerre. Jacques Roubaud, après mai 68, a poursuivi l'œuvre dans Mono Aware, Nicolas Grenier ayant réinventé à Paris le tanka urbain. Brigitte Fontaine, dans le disque Comme à la radio, intitule deux chansons "Tanka I" et "Tanka II", qui s'écarte pourtant de la forme rythmique traditionnelle japonaise.

Les renku

Les tankas sont généralement écrits par un même poète, mais il n'est pas rare d'en voir écrits par plusieurs, l'un répondant à (ou relançant) l'autre. On les appelait alors renga ; le terme actuel est renku. Suivant leur nombre de chainons, les renku prennent des noms différents : les formes les plus utilisées sont : le juinku (12 versets), le jusanbutsu (13 versets), le shishi (16 versets), le hankasen (18 versets), le kasen (36 versets) et le hyakuhin (100 versets). Pour le kasen, les règles peuvent être encore beaucoup plus strictes du fait de l'obligation de placer des versets à thème (amour, lune d’automne, fleurs...) à des endroits très particuliers.


 

Commentaires

Vu les sept derniers jours

Paul Eluard - Tout dire

Comme en Poésie - Les auteurs 2000 / 2015

Poésie ininterrompue - Eluard

Pablo Neruda 1904 - 1973

Charles Bukowski

Coquelicot - Guillevic

Coup de foudre - Wislawa Szymborska