Réflexion... Peindre. Bram Van Velde, entretien avec Charles Juliet

Via Jean Lavoué

Un vrai tableau, c’est une merveille. On peut en vivre. Il ne s’agit pas de multiplier…
Peindre me fait peur. Vivre tout cela, je le vis comme une histoire qui n’est pas sans danger. Mais je dois rester le maître…
Moi je suis heureux, comme si la vie si fragile a tout de même la chance d’être…
J’ai toujours voulu être peintre.
Je ne sais jamais le tableau qui va venir.
C’est une sorte de plongeon dans un monde qui est en moi mais je dois le voir…
La peinture a une possibilité qu’on ignore.
Chaque fois, un tableau vient et je ne le savais pas. L’acte est une sorte de désespoir dont on ne sait rien, qui vous plonge à l’intérieur…
Je suis attentif à une sorte de vie en moi et la peinture m’aide sur cette route et j’attends tranquillement que l’autre possibilité vienne car c’est ici que je vis. Il y a un grand bonheur de voir…
Voir, c’est le monde vrai.
C’est un acte où je dois me sauver. La peinture est un acte où je me sauve, où je ne suis plus en danger.
Il y a des périodes où je n’ai pas de lumière en moi, où je ne peux pas travailler. C’est ça le plus difficile : d’être suspendu dans un état où on ne peut rien faire…
On n’a pas le courage d’agir, on flotte…
Il me faut plonger jusqu’à des moments où je ne sais plus rien…
Tout est dedans, il n’y a pas de dehors : on perd pied, on n’est plus dans le monde des autres…
Ce sont des sauvetages : de manière inconnue, on est sauvé parce qu’on s’oublie…
Le travail c’est une approche du non-travail.
Je vis des semaines où rien ne peut se faire… Comme c’est miraculeux d’arriver à faire ! Le principal est que l’on ose faire…
Le courage, c’est ce courage vers l’inconnu. Souvent, on n’a pas ce courage total… Tout est tellement invisible.
Je sens où est la vie et où est la non vie. La vie est vraie pour moi, la non-vie est fausse.
La vie est l’acte qui sauve.
J’ai mis ma vie en tableaux : peut-être qu’on se vide ainsi…
Un tableau est ce qu’on est devenu.
Tout est fragile.
L’endroit où on s’approche de la vraie vie, rien n’est fixé, pas de sécurité, tout est flottant…
La peinture a le pouvoir de quitter le monde réel et là on respire enfin, on vit sa vie : c’est miraculeux.

Bram Van Velde, entretien avec Charles Juliet, France Culture 27 septembre 1980

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/entretiens-avec-bram-van-velde-1ere-diffusion-27091980

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