Vu les sept derniers jours
Marta Rivera-Garrido
Paul Eluard - Tout dire
Tout dire Le tout est de tout dire, et je manque de mots Et je manque de temps, et je manque d'audace Je rêve et je dévide au hasard mes images J'ai mal vécu, et mal appris à parler clair. Tout dire les roches, la route et les pavés Les rues et leurs passants les champs et les bergers Le duvet du printemps la rouille de l'hiver Le froid et la chaleur composant un seul fruit Je veux montrer la foule et chaque homme en détail Avec ce qui l'anime et qui le désespère Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire Son espoir et son sang son histoire et sa peine Je veux montrer la foule immense divisée La foule cloisonnée comme un cimetière Et la foule plus forte que son ombre impure Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres La famille des mains, la famille des feuilles Et l'animal errant sans personnalité Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles La justice debout le pouvoir bien planté Paul Eluard
Roger-Arnould RIVIERE Poème de la cassure
ROGER-ARNOULD RIVIERE (1930~1959) Poème de la cassure Je sais la cassure du petit matin, l’aplomb brutal de midi, la sournoise inversion du soir Je sais le vertigineux à-pic de la nuit et l’accablante horizontalité du jour Je sais les hauts et les bas, les hauts d’où l’on retombe à coup sûr, les bas dont on ne se relève pas Je sais que le chemin de la douleur n’a de stations qu’en nombre limité Je sais le souffle haché, le souffle coupé, l’haleine fétide, les effluves d’air cru et les émanations du gaz de ville Je sais les étreintes vides, la semence crachée par dépit sur la porcelaine Je sais la face du mot qui vous sera renvoyée comme une gifle Je sais que l’amitié et l’amour n’ont pas d’aubier Je sais que les amarres rompues, le cou brisé, la semelle usée ont pour commun dénominateur la corde Je sa...
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928 Je doute que le véritable amour comporte du désir, de la ferveur, de la passion. Je ne doute pas qu'il ne puisse : NAÎTRE que d'une disposition à approuver quoi que ce soit, puis d'un abandon amical au hasard; ou aux usages du monde, pour vous conduire à telles ou telles rencontres ; VIVRE que d'une application extrême dans chacune de ces rencontres à ne pas gêner l'objet de vos regards et à laisser vivre comme s'il ne vous avait jamais rencontré ; SE SATISFAIRE que d'une approbation aussi secrète qu'absolue, d'une adaptation si totale et si détaillée que vos paroles à jamais traitent tout le monde comme le traite cet objet par la place qu'il occupe, ses ressemblances, ses différences, toutes ses qualités ; MOURIR enfin que par l'effet prolongé de cet effacement, de cette disparition complète à ses yeux - et par l'effet aussi de l'abando...
Wislawa Szymborska 1923 2012
Else Lasker-Schüler 1869 - 1945
René Crevel 1900 1935
Tu trembles, carcasse ...
Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne - dit Turenne 1611 - 1675 Tué au combat à 63 ans, il est resté jusqu'au bout un stratège remarquable et un guerrier intrépide. Cependant, à l'approche du danger, il ne pouvait réprimer un frissonnement de tout son corps. On l'entendit encore à la fin de sa carrière, alors qu'il avait atteint les dignités les plus élevées, marmonner avec colère: « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener ». 1667 https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_de_La_Tour_d%27Auvergne,_dit_Turenne http://dinoutoo.pagesperso-orange.fr/histo/tur1.htm
Supervielle - Le matin et les arbres
L'ARBRE Il y avait autrefois de l'affection, de tendres sentiments, C'est devenu du bois. Il y avait une grande politesse de paroles, C'est du bois maintenant, des ramilles, du feuillage. Il y avait de jolis habits autour d'un cœur d'amoureuse Ou d'amoureux, oui, quel était le sexe? C'est devenu du bois sans intentions apparentes Et si l'on coupe une branche et qu'on regarde la fibre Elle reste muette Du moins pour les oreilles humaines, Pas un seul mot n'en sort mais un silence sans nuances Vient des fibrilles de toute sorte où passe une petite fourmi. Comme il se contorsionne l'arbre, comme il va dans tous les sens, Tout en restant immobile ! Et par là-dessus le vent essaie de le mettre en route Il voudrait en faire une espèce d'oiseau bien plus grand que nature Parmi les autres oiseaux Mais lui ne fait pas attention, Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons, Et regarder, pour mieux se taire, Écout...
"La véritable amitié ne rouille pas en hiver " (proverbe allemand)
RépondreSupprimer... ni ne sèche en été (adaptation castillane) :-))