Vu les sept derniers jours
Paul Eluard - Tout dire
Tout dire Le tout est de tout dire, et je manque de mots Et je manque de temps, et je manque d'audace Je rêve et je dévide au hasard mes images J'ai mal vécu, et mal appris à parler clair. Tout dire les roches, la route et les pavés Les rues et leurs passants les champs et les bergers Le duvet du printemps la rouille de l'hiver Le froid et la chaleur composant un seul fruit Je veux montrer la foule et chaque homme en détail Avec ce qui l'anime et qui le désespère Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire Son espoir et son sang son histoire et sa peine Je veux montrer la foule immense divisée La foule cloisonnée comme un cimetière Et la foule plus forte que son ombre impure Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres La famille des mains, la famille des feuilles Et l'animal errant sans personnalité Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles La justice debout le pouvoir bien planté Paul Eluard
Poésie ininterrompue - Eluard
Eugène Guillevic 1907 - 1997
Wislawa Szymborska 1923 2012
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928
Francis PONGE - CONCEPTION DE L'AMOUR EN 1928 Je doute que le véritable amour comporte du désir, de la ferveur, de la passion. Je ne doute pas qu'il ne puisse : NAÎTRE que d'une disposition à approuver quoi que ce soit, puis d'un abandon amical au hasard; ou aux usages du monde, pour vous conduire à telles ou telles rencontres ; VIVRE que d'une application extrême dans chacune de ces rencontres à ne pas gêner l'objet de vos regards et à laisser vivre comme s'il ne vous avait jamais rencontré ; SE SATISFAIRE que d'une approbation aussi secrète qu'absolue, d'une adaptation si totale et si détaillée que vos paroles à jamais traitent tout le monde comme le traite cet objet par la place qu'il occupe, ses ressemblances, ses différences, toutes ses qualités ; MOURIR enfin que par l'effet prolongé de cet effacement, de cette disparition complète à ses yeux - et par l'effet aussi de l'abando...
Vladimir Maïakovski - 1893 - 1930
http://www.lexpress.fr/culture/livre/la-vie-en-jeu-une-biographie-de-vladimir-maiakovski_929844.html Le 14 avril 1930, à l'âge de 36 ans, Vladimir Maïakovski, le poète de la révolution, se suicidait d'une balle dans la poitrine dans un studio moscovite du passage de la Loubianka. Il paraît alors très loin le temps où l'auteur du Nuage en pantalon écrivait : "Votre pensée/Rêvant dans votre cerveau ramolli/Comme un laquais repu se vautre au gras du lit/Je la taquinerai sur un morceau de coeur sanglant/J'en rirai tout mon soûl, insolent et sanglant." Il paraît très loin le temps où le jeune homme "gâté par l'avenir" (Pasternak), le colosse de 1,90 mètre aux dents noircies par la nicotine (fumant jusqu'à 100 cigarettes par jour), phobique et hypocondriaque, se faisait le porte-parole du futurisme dans un milieu artistique en pleine effervescence. Il paraît très loin le temps où, avec son grand amour Lili Brik et la soeur de celle...
Pierre REVERDY Toi ou moi
Pierre REVERDY Toi ou moi Endormi dans cette chambre Il n’ose se réveiller La peur ferme son rêve noir Et ses membres Ne peuvent plus le soutenir Je t’abandonne il faut partir Si l’on n’aime bien que soi-même Je te laisse parce que je t’aime Et qu’il faut encore marcher Un jour nous nous retrouverons peut-être Où se croisent les souvenirs Où repassent les histoires d’autrefois Alors tu reviendras vers moi Nous pourrons rire Un espoir à peine indiqué Sous le vent une plainte amère La voix qui pourrait me guider A mon approche va se taire Dans la rue bordée de chansons Qui jaillissaient par les fenêtres Au coin des dernières maisons Nous nous regardions disparaître In Sources du vent. Gallimard, 1971. (Poésie).
Coquelicot - Guillevic
Coquelicot Coquelicot, Quand je pense Que je te parle Et que tu l'ignores, Que j'envie ta fierté,ton assurance, Ton absence d'hésitation, Ta certitude d'avoir gagné, De continuer à rayonner, J'ai de la peine à sentir Qu'on ne communique pas Avec ce que l'on aime,ou admire Et je me sens seul, Étranger à moi-même. Tu ne le sauras pas, Mais continue À m'éblouir. Guillevic ("Quotidiennes" - poèmes novembre 1994 - décembre 1996, Gallimard, 2002) http://theblogofgab.blogspot.fr/2015/02/eugene-guillevic-1907-1997.html
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