Neruda Odes

Pablo Neruda
extrait de Odes et germinations.


Nous avons dû ma sauvageonne,
Nous ressaisir du temps perdu,
Et revenir sur nos pas, pour de baiser en baiser,
Abolir la distance de nos vies, Récupérant ici,
Ce que sans joie, nous avions donné,
Découvrant là, le chemin secret,
Qui rapprochait tes pas des miens,
Et ainsi sous ma bouche,voici que tu revois,
La plante insatisfaite de ta vie, qui allonge ses racines,
Vers mon coeur, et vers son attente.
Une à une, les nuits entre nos villes séparées,
S’ajoutent à la nuit qui nous unit.
Le jour de chaque jour, sa flamme ou son repos,
Soustraits au temps, elles nous livrent,
Et ainsi se trouve exhumés,
Dans l'ombre ou la clarté notre trésor,
Et ainsi nos baisers, embrassent-ils la vie,
Tout l'amour se tient enclos dans le nôtre,
Toute la soif, s'achève dans notre enlacement.
Nous voici enfin face à face, nous nous sommes trouvés,
Rien n'a été perdu.
Et lèvre à lèvre, nous nous sommes parcourus,
Mille fois nous avons troqué, entre nous, la mort et la vie,
Tout ce que nous portions en nous, comme autant de médailles mortes,
Nous l'avons jeté à la mer,
Tout ce que nous avions appris, nous a été bien inutile.
Nous avons commencé, nous avons terminé,
À nouveau mort et vie.
Nous sommes là, nous survivons,
Purs d'une pureté que nous avons créée,
Plus vaste que la terre, qui n'a pu nous fourvoyer,
Et, éternels comme le feu qui brûlera,
Tant que la vie ne cessera.

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